24.06 > 29.07.17, # 15, te souviens-tu de demain?, Fred Le Chevalier, Fanzinothèque Moderne

_PROPOSITION 15 / SUR UNE INVITATION DE TRANSAT

_TE SOUVIENS-TU DE DEMAIN ? / FRED LE CHEVALIER

_DU 24 JUIN AU 29 JUILLET

_VERNISSAGE LE 24 JUIN À PARTIR DE 18H

_LA FANZINOTHÈQUE MODERNE

 

Mes années quatre vingt étaient plutôt dix en fait. En 8.0 j’ avais sept ans, ça fait jeune pour s’en réclamer mais comme on regarde toujours derrière, s’inspire de ce qui résonne encore d’avant on était à cheval sur les décennies.

C’était pareil, tout pareil, il y avait de bombes, des guerres, de la musique, de l’amour et de la haine, de quoi transcender et s’émerveiller.

C’était pareil sauf qu’ici en France on avait inventé l’ordinateur sans le net. On avait le minitel pour gagner des quizz, fantasmer tactile, rêver dress ou romance, ulla elle même le sait mais pas le net, les selfies, on ne voulait pas devenir artistes sans rien faire, toucher ni ressentir.

C’était pareil sauf que nos téléphones restaient à la maison suspendus à un fil et que nous marchions en regardant le ciel et pas la paume de nos mains. Appeler dans sa ville coûtait un peu, dans sa région pas mal, en dehors les yeux.

La plupart de nos semblables avaient la peau blanche comme vierge, pas d’encre à profusion, dans les parties invisibles parfois et c’était une ligne rouge de franchie.

On s’écrivait , tu sais ce truc, écrire… sans clavier . On s’écrivait avec un stylo qui tache les mains un peu, fait mal si on est bavard. On posait des mots sur une feuille qu’on pliait en deux, quatre, six, huit, parfois un objet en plus à l’intérieur, une enveloppe qu’on pouvait même dessiner. Quand on avait l’âge de n’avoir l’argent que de poches ou de poches vides on passait les timbres à la colle ou au citron, couche protectrice , carapace,le cachet de la poste filait doux sous eau chaude ensuite. Quand le postier était sympa il crayonnait le forfait identifié, pour d’autres des amendes.

Ah oui, c’est qu’on écrivait beaucoup. On aimait çi ou ça, le dessin, le punk californien, le hardcore new yorkais, la bande dessinée ou la oi ! Anglaise, on se cherchait, se trouvait, se connectait par petits ilots d’identité réclamée, causes ralliées à droite à gauche partout en France. On était de petites poignées disséminés sur l’hexagone et on s’écrivait. On tapait à la machine nos listes de disques, achetés par correspondance pour la plupart et échangeait des cassettes au son souvent lamentable, par dessus les lignes de basse il y avait une ligne de souffle.

On fabriquait des jaquettes ou photocopiait les vraies, sur chargées de dessins, de lettrages, de photos de plus en plus grisées au fur et à mesure qu’elles avaient circulé.

Par la poste, qui était alors un service public arrivant globalement à transporter des objets sans disparition ni surtaxe d’un point A à un point B, voyageaient les fanzines, ils voyagent encore paraît il. Un fanzine c’était une machine à écrire pour du texte, interviews, chroniques, photos prises ou volées, ça parlait de tout et n’importe quoi . Intervenaient des ciseaux, de la colle, arty pour certains, bruts pour d’autres, photocopiés pour presque tous, imprimés pour une poignée d’on a faim et d’autres.

On y donnait la parole, s’invectivaient, faisaient circuler des mythes, des légendes urbaines, tout, n’importe quoi, lentement, patiemment avec des bouts d’enthousiasme, d’excès , de générosité.

Avant c’était pas mieux, c’était pas pire, c’était juste différent, on faisait des ronds dans l’eau, on partageait ce qui nous faisait briller les yeux. C’était peut être seulement l’époque d’avant celle où l’on devait se pailleter pour exister.