Ça se met tout de même à bouger un peu partout. 2 nouveaux titres largement ouverts à la new-wave et au punk FEELING puis GIG se lancent en kiosque. L'aventure sera là aussi de courte durée. FEELING s'arrête après 7 numéros (Janvier - Juillet 1978). Financé par un éditeur de revues pornographiques de poche, FEELING dont la rédaction se compose de Alain Pons, Claude Gassian et Brenda Jackson, saura par son format, son contenu, son style, séduire de nombreux lecteurs.
"On était j'm'en-foutistes et naïfs mais
on n'a pas fait de mauvais choix : Pistols, Mink DeVille, Costello... A
l'époque, dans un autre canard, il aurait fallu se battre
pour en parler. Vers le numéro 3, on a
réalisé que ça commençait
également à intéresser les lecteurs.
On n'arrivait plus à suivre, il a fallu augmenter la
pagination, et le format est devenu un boulet. On était plus
souvent rangés à côté de
"Union" que de R&F. C'est vrai qu'un nom comme "Feeling",
ça accentuait encore la confusion avec les bouquins de cul.
Il n'y avait que les lecteurs qui y trouvaient leur
intérêt : "C'est facile à chourrer, ne
changez rien." Et puis les choses ont mal tourné pour
l'éditeur. Il y a eu interdiction à l'affichage
pour le X, donc des problèmes de ventes et la
boîte a coulé. "Feeling" aurait
peut-être pu s'en sortir seul mais les NMPP sont les plus
grands fossoyeurs de journaux au monde. Ils prennent 50% du prix de
vente, te font payer les invendus et mettent tellement de temps
à te verser ce qu'ils te doivent que, si tu n'as pas une
trésorerie solide, tu es sûr de te planter. En
général ça arrive vers le
numéro 7. On n'y a pas coupé." [Alain Pons
cité par E. D. ]
La première époque dure 2 ans (Novembre 79 - 81),
et donne dans l'information tous azimuts; Gig affectionne un certain
rock français (Taxi Girl, Suicide Roméo, Les
Garçons...). Avec logo, maquette et contenu, il affiche une
esthétique résolument moderne (la couverture du
numéro 6 avec Clash est
réalisée par le peintre-Bazooka Kiki Picasso). Il
fera des émules. "Pierre Thiollay et Bernard Filipetti
inventent le premier gratuit tricolore distribué
à la sortie des concerts et mis en
dépôt chez les marchands de fringues et les
disquaires..." [E. D. ]
"Les jeunes groupes débarquaient, les concerts
étaient légion et les organisateurs avaient
besoin de communiquer, c'était le moment ou jamais. L'impact
du journal a décliné quand la musique a
été surmédiatisée, quand,
la politique intéressant de moins en moins de lecteurs, les
hebdos d'information ont ouvert leurs pages au culturel." [Propos de
Pierre Thiollay et Bernard Filipetti recueillis par E. D.]
Epoque
bénie pour les fanzines : entre 1978 et 1982 plus de 20
titres voient le jour. La plupart feront dans la durée et
marqueront leur temps. NEW
WAVE,
ON EST PAS DES
SAUVAGES, SPLIFF, MODERNE,
NOTES, INTRA
MUSIQUES, BURNING ROME, BRUIT
D'ODEUR, ROCK
HARDI, NINETEEN,
HELLO
HAPPY TAXPAYERS,
GUERILLA
URBAINE,
LA
BIBLE,
etc.
Avec un fort contingent côté sud-ouest, la
dispersion géographique est remarquable : Pau,
Clermont-Ferrand, Montpellier, Bordeaux, Paris, Toulouse, Strasbourg,
Reims, Rennes, Le Havre. Il y a des fanzines un peu partout. Ce
fanzinat balbutiant donne déjà dans la
diversité : orientation musicale, contenu, aspect sont
très différents, voire divergents. Mais une
même volonté de faire connaître des
groupes méconnus et inconnus, des scènes locales
ou internationales, et un certain esprit underground
caractérisent tous ces plumitifs. Tous signent leurs
influences et leurs racines avec passion en dépit des modes
stéréotypées.
NEW WAVE cultive un goût pour
les musiques extrêmes. Dès ses premiers
numéros, dans le format tabloïd qu'il conservera
jusqu'à la fin, se côtoient scène
américaine la plus radicale - hardcore côte ouest
(Dead Kennedys, Residents), industriel européen
(Laibach, Throbbing Gristle), courants post-punk et un certain rock et
punk-rock français... tout ce que la musique contient de
plus anti-commercial ou de démarche authentique. Le sommaire
du numéro 1 d'Avril 80 donne le ton : Ramones, Dils, Crime,
Screamers ; une large part est donnée à l'info
nationale, aux "scene reports" ou aux dossiers
évoquant l'Italie, la Pologne, le Mexique.
"Toujours de l'inédit, de l'inconnu, de la valeur
sûre à long terme" dit l'édito du
numéro 3 ; et dans celui du numéro 10 (Juillet
80) : "Voilà un an que New Wave existe. Notre bilan est
simple : nous avons prouvé qu'un journal qui ne se cantonne
pas à Trust, ACDC ou Téléphone (on n'a
pas fait un article sur eux !) peut exister, avoir une audience et
dépasser le chiffre fatidique qui a coulé tant de
confrères (FEELING, ROCK NEWS). La new wave, ça
n'existe pas. Ce qui compte c'est le rock et ce qu'il
véhicule, dans la musique, le cinéma, la
littérature, la photo, le dessin et toute forme
d'expression. Un point c'est tout." NEW WAVE voulait "aider
à la création de structures alternatives pour
faire vivre cette scène. Propager les idées
politiques de ce mouvement. Aider à la multiplication des
initiatives alternatives non commerciales." ( TQADR n° 5-84)
En 90 NEW
WAVE
s'associe au magazine pseudo-underground SUB ROCK. Après 3
numéros en kiosque NEW WAVE fera les frais de cette
association hasardeuse et claquera la porte pour divergence sur le
contenu du journal.
New Wave, journal de référence,
défricheur, découvreur, initiateur existe encore
sous la forme de son catalogue de VPC : APMC - BP 6, 75462 PARIS CEDEX
10
Un peu dans la même veine (au sens propre comme au sens
figuré) que NEW
WAVE, HHT va donner pendant 10 ans et 10 numéros
toute la mesure de sa singularité et de son ambition.
Des choix esthétiques et musicaux audacieux et de plus en
plus extrêmes, un goût prononcé pour le
clinique - névrotique - hôpital - destruction -
torture -éructation, un graphisme glacé et tendu,
une mise en page proche de l'avis de décès (avec
un liseré noir cernant chaque page) font de chaque
numéro une exploration sans concessions dans les
circonvolutions d'une certaine création froide, morbide et
malsaine. Un petit événement, une
délectation pour chacun de ses lecteurs, à chaque
parution.
Mais HHT ne sera pas que ça. Le travail critique est
consciencieux et de haute tenue, les interviews passionnantes et
très poussées, la somme de chroniques et la
densité d'informations impressionnante. HHT
révélera notamment à ses lecteurs (et
avant tout le monde) Einstürzende Neubauten, Black Flag, Severed Heads,
Swans, Laibach, Foetus, Henry Rollins et Steve Albini.