1978-1982

BALBUTIEMENTS...

feeling
FEELING

Ça se met tout de même à bouger un peu partout. 2 nouveaux titres largement ouverts à la new-wave et au punk FEELING puis GIG se lancent en kiosque. L'aventure sera là aussi de courte durée. FEELING s'arrête après 7 numéros (Janvier - Juillet 1978). Financé par un éditeur de revues pornographiques de poche, FEELING dont la rédaction se compose de Alain Pons, Claude Gassian et Brenda Jackson, saura par son format, son contenu, son style, séduire de nombreux lecteurs.

"On était j'm'en-foutistes et naïfs mais on n'a pas fait de mauvais choix : Pistols, Mink DeVille, Costello... A l'époque, dans un autre canard, il aurait fallu se battre pour en parler. Vers le numéro 3, on a réalisé que ça commençait également à intéresser les lecteurs. On n'arrivait plus à suivre, il a fallu augmenter la pagination, et le format est devenu un boulet. On était plus souvent rangés à côté de "Union" que de R&F. C'est vrai qu'un nom comme "Feeling", ça accentuait encore la confusion avec les bouquins de cul. Il n'y avait que les lecteurs qui y trouvaient leur intérêt : "C'est facile à chourrer, ne changez rien." Et puis les choses ont mal tourné pour l'éditeur. Il y a eu interdiction à l'affichage pour le X, donc des problèmes de ventes et la boîte a coulé. "Feeling" aurait peut-être pu s'en sortir seul mais les NMPP sont les plus grands fossoyeurs de journaux au monde. Ils prennent 50% du prix de vente, te font payer les invendus et mettent tellement de temps à te verser ce qu'ils te doivent que, si tu n'as pas une trésorerie solide, tu es sûr de te planter. En général ça arrive vers le numéro 7. On n'y a pas coupé." [Alain Pons cité par E. D. ]



GIG
GIG

La première époque dure 2 ans (Novembre 79 - 81), et donne dans l'information tous azimuts; Gig affectionne un certain rock français (Taxi Girl, Suicide Roméo, Les Garçons...). Avec logo, maquette et contenu, il affiche une esthétique résolument moderne (la couverture du numéro 6 avec Clash est réalisée par le peintre-Bazooka Kiki Picasso). Il fera des émules. "Pierre Thiollay et Bernard Filipetti inventent le premier gratuit tricolore distribué à la sortie des concerts et mis en dépôt chez les marchands de fringues et les disquaires..." [E. D. ]
"Les jeunes groupes débarquaient, les concerts étaient légion et les organisateurs avaient besoin de communiquer, c'était le moment ou jamais. L'impact du journal a décliné quand la musique a été surmédiatisée, quand, la politique intéressant de moins en moins de lecteurs, les hebdos d'information ont ouvert leurs pages au culturel." [Propos de Pierre Thiollay et Bernard Filipetti recueillis par E. D.]


Epoque bénie pour les fanzines : entre 1978 et 1982 plus de 20 titres voient le jour. La plupart feront dans la durée et marqueront leur temps. NEW WAVE, ON EST PAS DES SAUVAGES, SPLIFF, MODERNE, NOTES, INTRA MUSIQUES, BURNING ROME, BRUIT D'ODEUR, ROCK HARDI, NINETEEN, HELLO HAPPY TAXPAYERS, GUERILLA URBAINE, LA BIBLE, etc.


Avec un fort contingent côté sud-ouest, la dispersion géographique est remarquable : Pau, Clermont-Ferrand, Montpellier, Bordeaux, Paris, Toulouse, Strasbourg, Reims, Rennes, Le Havre. Il y a des fanzines un peu partout. Ce fanzinat balbutiant donne déjà dans la diversité : orientation musicale, contenu, aspect sont très différents, voire divergents. Mais une même volonté de faire connaître des groupes méconnus et inconnus, des scènes locales ou internationales, et un certain esprit underground caractérisent tous ces plumitifs. Tous signent leurs influences et leurs racines avec passion en dépit des modes stéréotypées.


New Wave
NEW WAVE
(Paris)
1ère époque 80-87, 30 numéros + 5 Hors Série. Nouvelle série sous le nom NEW WAVES 90-92 : 11 numéros.


NEW WAVE cultive un goût pour les musiques extrêmes. Dès ses premiers numéros, dans le format tabloïd qu'il conservera jusqu'à la fin, se côtoient scène américaine la plus radicale - hardcore côte ouest (Dead Kennedys, Residents), industriel européen (Laibach, Throbbing Gristle), courants post-punk et un certain rock et punk-rock français... tout ce que la musique contient de plus anti-commercial ou de démarche authentique. Le sommaire du numéro 1 d'Avril 80 donne le ton : Ramones, Dils, Crime, Screamers ; une large part est donnée à l'info nationale, aux "scene reports" ou aux dossiers évoquant l'Italie, la Pologne, le Mexique.

"Toujours de l'inédit, de l'inconnu, de la valeur sûre à long terme" dit l'édito du numéro 3 ; et dans celui du numéro 10 (Juillet 80) : "Voilà un an que New Wave existe. Notre bilan est simple : nous avons prouvé qu'un journal qui ne se cantonne pas à Trust, ACDC ou Téléphone (on n'a pas fait un article sur eux !) peut exister, avoir une audience et dépasser le chiffre fatidique qui a coulé tant de confrères (FEELING, ROCK NEWS). La new wave, ça n'existe pas. Ce qui compte c'est le rock et ce qu'il véhicule, dans la musique, le cinéma, la littérature, la photo, le dessin et toute forme d'expression. Un point c'est tout." NEW WAVE voulait "aider à la création de structures alternatives pour faire vivre cette scène. Propager les idées politiques de ce mouvement. Aider à la multiplication des initiatives alternatives non commerciales." ( TQADR n° 5-84)


En 90 NEW WAVE s'associe au magazine pseudo-underground SUB ROCK. Après 3 numéros en kiosque NEW WAVE fera les frais de cette association hasardeuse et claquera la porte pour divergence sur le contenu du journal.
New Wave, journal de référence, défricheur, découvreur, initiateur existe encore sous la forme de son catalogue de VPC : APMC - BP 6, 75462 PARIS CEDEX 10


hello happy tax payers
HELLO HAPPY TAXPAYERS
(Bordeaux)
10 numéros 82-91


Un peu dans la même veine (au sens propre comme au sens figuré) que NEW WAVE, HHT va donner pendant 10 ans et 10 numéros toute la mesure de sa singularité et de son ambition.
Des choix esthétiques et musicaux audacieux et de plus en plus extrêmes, un goût prononcé pour le clinique - névrotique - hôpital - destruction - torture -éructation, un graphisme glacé et tendu, une mise en page proche de l'avis de décès (avec un liseré noir cernant chaque page) font de chaque numéro une exploration sans concessions dans les circonvolutions d'une certaine création froide, morbide et malsaine. Un petit événement, une délectation pour chacun de ses lecteurs, à chaque parution.
Mais HHT ne sera pas que ça. Le travail critique est consciencieux et de haute tenue, les interviews passionnantes et très poussées, la somme de chroniques et la densité d'informations impressionnante. HHT révélera notamment à ses lecteurs (et avant tout le monde) Einstürzende Neubauten, Black Flag, Severed Heads, Swans, Laibach, Foetus, Henry Rollins et Steve Albini.