Punk et Fanzine à Rennes, PIND

Les fanzines punks de Rennes, Communication le samedi 9 décembre 2017 dans le cadre du projet PIND (Punk is not dead – une histoire de la scène punk en France 1976-2016) pendant les 39ème Transmusicales.

Magazines vs fanzines.
A côté des journaux rock locaux plus ou moins pro, l’Annexe, Ouest France, Zic Zac, Le Rennais etc qui parlent de rock, entre autres, et de punk, parfois, il y a une toute petite presse moins en vue, qui parle d’autre chose, de punk, de hardcore, de do it yourself. Comme ailleurs, on trouve des fanzines sans lendemain, des fanzines-éruptifs/ fanzines-coup de gueule (en particulier contre les transmusicales), des petits formats photocopiés et des éditions plus pros. Sans pas passer en revue tout ce qui a été publié sur papier à Rennes, nous indiquons simplement les plus intéressants ou aboutis, en laissant ici de côté certaines petites publications trop éphémères ou sans beaucoup d’intérêt.

Les courants musicaux dans les fanzines
Le plus ancien titre conservé à la Fanzinothèque est ACTUALITES DU MONDE LIBRE. Actualités du Monde Libre naît la même année que les Transmusicales (1979), c’est un fanzine d’expérimentations graphiques lié aux musiques jazz, free-jazz et expérimentales. Fanzine petit format, en photocopie, qui manie l’art du copy-art comme pas deux. Collages et photomontages inspirés par la musique de Pere Ubu, Chris Cutler et Marquis de Sade.
Citons cet extrait de l’édito du n° 2/3 janvier 79 : « Cette revue est spécialement destinée aux discothèques d’avant-garde… La recherche d’un matériel sonore et graphique nouveau est le premier objectif des artistes de 1979. Aux USA et en Angleterre il existe des clubs où les invités viennent pour danser, mais surtout pour s’enivrer de sons, dans une espèce de communication mystérieuse… »

La Pop-new-wave domine dans les plus vieux fanzines que nous avons conservé : Kamikazes, Migrennes, entre 1982 et 1986, et les premiers punkzines sont plus tardifs, ceux que nous avons datent de 1986 (Mort aux Vaches) et surtout 1990 (Honorée Patrie, le Rat Botteur). La plupart des courants musicaux se retrouvent dans les fanzines de Rennes, mais on trouve surtout du hard rock et de la pop-noisy. On compte plusieurs fanzines de hard-rock/métal à Rennes.
La scène hard-rock va évoluer vers le thrash puis le brutal hxc, depuis Troubadour en 1988/1989, Not, en 1990 qui deviendra Rockblast en 1992 et créer un mouvement très puissant avec les groupes Stormcore, le label/asso de concert Overcome rds et faire parler d’elle nationalement entre 1990/2000. Rennes est alors la capitale du hxc d’après David Mancilla.

Le courant pop/noise reste très présent sur la durée, Leave Me Alone en 1992, Sonik entre 1993/1996, énormes fanzines de 200 pages, Feel It en 1995, sans compter des publications plus professionnelles comme Episode.  D’autres musiques sont représentées dans les fanzines rennais, La Plume de Morfessa en 1997 donne dans le gothic macabre, Groovy Eyes et Splash One  ne jurent que par le Garage/sixties, Tendances Positives en 1999 représente le courant roots rock and reggae. On trouve aussi en 1989 un zine psycho : Zorch Attack. Qui n’a sans doute fait qu’un numéro. Hip hop et techno ont eu leurs fanzines aussi, avec Matsa en 1997, Sans Concession, Hip Hop Partners et L’Ultime Atome (techno expérimentale) en 98.

Rennes est aussi très bien représentée par les fanzines de BD, plusieurs collectifs très actifs ont publié dans les années 1990/2000, le Journal de Judith et Marinette et Les Taupes de l’Espace (vendéens installés à Rennes), le Simo (1996), L’Oeuf. Ce sont tous des enfants de la librairie BD Alphagraph. Aujourd’hui l’atelier Mac Clane publie des bouquins en sérigraphie.

LES PUNKZINES
Les fanzines punks maintenant. Ils sont présentés dans un ordre chronologique, avec deux grandes périodes, les fanzines 100% punk entre 1986 et 1992, et les fanzines punk/hardcore à partir de 1990, voire complètement hardcore un peu plus tard. 1989 est l’année d’explosion des fanzines, partout. En un rien de temps les titres fleurissent… puis disparaissent. L’arrivée du hardcore n’est pas étrangère à ce regain de souffle pour les fanzines. La scène punk a déjà 15 ans et a perdu pas mal de sa fraîcheur, le hardcore lui, déboule, et personne n’en parle… sauf les fanzines.

LES PUNKS (86-92)
En septembre 1986, MORT AUX VACHES (Cesson-Sévigné) publie son premier numéro, dans l’esthétique punk avec des collages, des dessins et des infos, et dans le numéro 1 les interviews de Franz Kultur et les Kramés, Vortex, Kromozom 4. Dans le numéro 2, fin 86 celles de Kolérat, 13ème Section, Ludwig Von 88.
Un peu plus tard, en 1988 l’asso ARP sort une feuille d’infos QUOI DE NEUF À L’OUEST pour la promo des nouveaux groupes punks, Mixomatose, Wart, Franz Kultur et les Kramés, Ligne d’Hiver, Primalinea, Complot Bronswick. Pas d’autres infos sur ce projet.
J’ACCUSE, publie depuis 1988 un bulletin anarcho-punk qui traite plus de politique que de musique mais qui parle quand même des Satellites, de Kochise et de Verdun.
A Fougères le fanzine HOPLA publie son premier numéro en mai 1990. Huit petites pages sur la vie du rock, qui annoncent les concerts, les sorties de disques, les infos rock du coin. A noter ce festival à Rennes, Elise est Rock en mai, avec Shaking Dolls, Walpurgis Volta, Real Cool Killers, Parabellum, Les Thugs, Fuzztones, Chameleon’s Day, Wilko Johnson…
Yann Boislève publie en 1990 deux numéros de HONORÉE PATRIE, complètement punk avec des interviews des Cafards, Gonokox, No Sports, Wampas, VRP, Les Ejectés, Krull, Les Malfrats (n° 2, août 1990) SS 20, Kochise et Agent 86 (n° 3, fin 1990). En 1994 il refera un fanzine, en anglais, l’International Straight Edge Bulletin.
Autre chose, qui n’a eu qu’une brève existence mais c’est pour le clin d’oeil, TIRAVUE MAGAZINE (octobre 1991), journal humoristique et de mauvaise foi comme il le dit lui-même, tire à boulets rouges sur les Transmusicales et l’ATM, qualifiés d’« hydre Magouillo-culturo-apéro-subventionnasse », comme on le voit sur le dessin de couverture et tout le fanzine descend Jean-Louis Brossard et l’ATM, et la presse « rock » Best, Zic Zic et Le Rennais à la solde des Transmusicales. Le dos du fanzine enfonce le clou, l’affiche est détournée « le gros mange les petits ».

LES HC/PUNKS à partir de 1995, le hardcore s’impose en force dans les fanzines.
On sent bien la transition avec LE RAT BOTTEUR. Il passe en l’espace de 3 numéros, entre 1990 et 1991, du punk au métal puis au hardcore. Ce sont des gros fanzines de plus de 50 pages A4, assez lisibles, avec des interviews des Cadavres, des Gnomes, Burning Heads, Autopsy, Godflesh, Carcass, Scraps, Treponem Pal, de la BD aussi et du cinéma bis.
DU GOUDRON ET DES PLUMES au même moment, début 1991, est 100% punk, les rubriques portent des noms imagés «renseignements généraux» pour les infos en bref, « des fourmis dans les oreilles » pour les chroniques. Au sommaire, interviews Ze 6, Suprême NTM, The Dead Milkmen, Hard-Ons + Les Thugs à Nantes, + dessins de Gronaz, news et chroniques de Molodoï, Les Clash, Gwar, Warum Joe, Nirvana, Beastie Boys, The Pogues, Wavy Gravy, Silverfish, Witches Valley. Même remarque que pour le Rat Botteur : le HC prend tout naturellement sa place à côté ou dans le prolongement du punk.
Les élèves ingénieurs de l’INSA ne font pas que d’inventer des nouveaux systèmes, ils font aussi des fanzines ! ROCKCO ET SES FRÈRES, est un beau fanzine rock, punk, hardcore, à la mise en page soignée et avec pas mal de chroniques de disques, infos et interviews. Le n° 5 de mars 1999 revient sur les Transmusicales 1998, et cause avec Portobello Bones, Chokebore, Burning Heads. Le n° 6, fin 99 parle de Uncommonmenfrommars, Dominique A, Greedy Guts, Miossec, Seven Hate, Dionysos ou encore Yann Tiersen. Dans le numéro 7 en nov 2000 on trouve Shovel, Condkoï, Herman Düne, At The Drive-In, Dead Pop Club…
On compte au moins deux bonnes newsletters qui durent quelques temps, L’Écho dé Foufleurs (1996-2000) et Imodium (1999-2002), où les infos sont radicalement concentrées sur les scènes alternatives et diy. Pas de pub pour les majors et les gros machins, ils n’en ont pas besoin, mais ça fourmille d’infos alternatives.
L’ÉCHO DÉ FOUFLEURS, édite plein de numéros entre 1996 et 2000. C’est une newsletter punk-rock gratuite de quelques pages, on en a seulement quelques numéros. Dates de concerts et infos rock en forment le noyau, avec quelques interviews en bonus, comme Out For Blood dans le n° 8 de avril 1997, Utopia dans le n° 17, sept 1998, le skinhead reggae dans le n° 23, sept 2000.
IMODIUM est une newsletter gratuite, publiée tous les deux mois. (15 numéros entre 1999 et 2002). Écrite entièrement à la main, avec des chouettes dessins, il informe sur tous les concerts punks de l’ouest et même plus loin, parle aussi BD et underground. Petit format avec des chouettes pliages, qui passe de la Vendée à Nantes puis Rennes, toujours hyper bien renseigné et facile à glisser dans la poche. Ça reste un modèle du genre, pour la présentation et le nombre d’infos sur un si petit format.
STREET TRASH, en 2001/2004, est plus politique. D’abord petite feuille d’infos punk le temps de 3 numéros de quelques pages, on passe à un gros n° 4 en février 2004, 84 pages, dos carré-collé, belle couverture. Il est réalisé avec plein de collaborations : itw Phase Terminale, Forme Létale, Blockheads, dossier Action Directe, anarchy in India +++

Le dernier fanzine punk/HC présenté ici a déjà plus de 10 ans. Dans le n° 5 de janvier 2004 (notre seul numéro) ONE STEP AHEAD questionne Anti-Flag et Murphy’s Law, raconte le concert des Bérurier Noir aux Transmusicales de Rennes 2003, et parle de végétarisme, de libération animale, de Crass et l’anarcho-punk.

LES 100% HARDCORE
DEPUIS 1995 et même un peu avant, arrive un courant uniquement hardcore, issu de la scène thrash et qui a évolué parallèlement au punk. C’est la scène brutal hxc représentée par Stormcore, Underground Society à Rennes, et les fanzines Da Harside Report en 1995 et 1996 et In Da True Spirit en 1997 principalement… C’est une scène qui va encore se radicaliser avec les fanzines straight-edge.
D’abord en 1995 HARDSIDE REPORT, le fanzine hardcore de David Mancilla, guitariste de Stormcore, et qu’on a déjà trouvé comme rock critic dans les pages de plusieurs fanzines rennais. Dans le n° 1 d’août 95 il y a 25 Ta Life, Out For Blood, Crown of Thorne, Madball. Un an après en sept 1996 paraît le n° 2, titre dessiné par Poch. L’année 96 la hardside connexion a organisé plusieurs gros concerts, et on va en trouver le compte rendu dans ces pages :
– en janvier 1996 : concert de Kickback / 25 Ta Life / Stormcore / Next Step Up / Hard Response
– en mai : Hate Force / Right For Life / Rawness
– en juin : Madball / Ignite / Ryker’s / Congress / Stormcore / Backfire / Out For Blood / Right For Life. Côté interviews on trouve dans ce gros numéro Subzero, Kickback, Prophecy of Rage, Krutch et pour la scène locale : Underground Society, Slamface, Right For Life. En janvier 1997, c’est IN DA TRUE SPIRIT qui défend la scène brutal HxC, avec dans le premier (et unique) numéro des interviews de Stigmata, Headway, Inhuman, Indecision, Regression, Out For Blood, et des concerts : Awol + Underground Society, Underground Society + Headway + Spoonful.
Après cette flambée hardcore, ça retombe un peu et on trouve encore une newsletter. DISGRACE qui fait un numéro en janv 2000, avec deux interviews de Children et Arkangel, IL N’Y A PLUS RIEN en 2001, un seul numéro, avec des interviews de Song Of Zarathustra, Yage, Burn Hollywood Burn, l’association K-Fuel, articles sur la scène hardcore, le sexisme, et plusieurs pages de chroniques de disques et RIEN QU’EN TRAINANT en 2004 qui chronique des fanzines et L’Infanterie Sauvage.
LE MOUVEMENT STRAIGHT-EDGE, branche radicale du hardcore, est bien présent à Rennes avec 3 titres entre 1995 et 1998. D’abord INTERNATIONAL STRAIGHT-EDGE BULLETIN de Yann Boislève, newsletter en anglais. Il y a au moins 24 numéros, datés de 94 à 98 mais on en a seulement deux. D’abord petite feuille d’info de 2 pages, il va s’étoffer et développer ou intégrer un réseau international de correspondants dans la même mouvance. Assez austère dans la présentation, on peut lire des interviews de Meanstream (Bulgarie), des infos de Malaisie, du Panama, Croatie, Philippines, Israël, Italie, Brésil, Turquie, des dizaines et des dizaines d’infos et de chroniques. Assez indigeste mais une mine d’infos sur ce microcosme.
SANJAM à la même période, est lui aussi rédigé en anglais. Le n° 4 de juin 1996  interviewe Queerfish, Siren, Undone, Day After Records, Ignite, et chronique  Rhythm Collision, Peu Etre, Bubble Mac Piff, Extent Zine, New Day Rising, Öpstand, Peace of Mine, Hellbender, Anomie, Seein Red, Dawnbreed, Cause & Effect. N° 5 sept 97 : couverture sérigraphiée, papier vieilli, la classe ! Dedans on a Unhinged, Seein Red, Cerulean, et un très intéressant article où plein de gens donnent leur définition du punk.
AN EEUNDEN pour finir est rédigé par le groupe Sarah en janv 97. Le sous-titre est éloquent : straight edge, ni alcool, ni drogue ni compromis. Ça rigole pas ! Interviews Sapo, Disruptiv Element, Korm (Rennes), Undone + dossier alcool et société, et dans le numéro 2 des itw de Existence, Red Shift, Headway, des dossiers sur les écoles Diwan, ou l’objection de conscience, la pollution de l’eau en Bretagne, des tribunes et chroniques.

Depuis 2004, peu de fanzines punks dans notre fonds, il faut attendre 2011 et l’arrivée remarquable de deux nouveaux titres, Making Wave et Punkulture.
Aujourd’hui ce sont les filles de MAKING WAVES qui prennent la relève. Elles s’intéressent aux girls bands et interrogent les liens entre punk et féminisme, punk et féminité. Ecrit en anglais, on y trouve des portraits et des interviews de musiciennes, celles de la scène actuelle, plutôt post-rock, et des grandes figures historiques : Alice Bag de Violent Girl, Stef Petticoat de Necessary Evil… dans le premier numéro, août 2011, The Nixe, Pussy Riot, Jane Hudson (The Rentals) dans le n° 2 (mars 2013).
Le numéro 4 sorti à l’été 2016, creuse encore le sujet et multiplie les approches : un reportage photo pour la tournée de Rose Mercie, un portrait de Su Tissue (Suburban Lawns, Los Angeles 1980), un hommage à Vi Subversa (Poison Girls) et Marlene Mader de Liliput (punk allemand milieu 90) mortes dans l’année, des itw de Lilith chanteuse du groupe italien Not Moving (1981-1989), etc.
Dernier titre évoqué ici, PUNKULTURE se situe autant dans le domaine du présent que du passé.
Depuis 2014 il a parlé de Aggressive Agricultor, X Syndicate, 20 Minutes de Chaos, Raw Power, Planet Trash, Poison Idea, Bad Brains, Casualties, Oi Polloi, Les Buzzcocks, Justin(e), La Souris Déglinguée, Peter and The Test Tube Babies, Charge 69, etc, sans négliger pour autant les groupes bretons actuels : Murder One, Marty Mad Fly, Dezes, Suppose It’s War, Les Vieilles Margattes, 22 Longs Riffs, Urban Attack, Dinask, The Argument, Radical Failure, Kings of Nothing, The Konbinis, Death Squad.

Voilà pour ce tour d’horizon. Si on peut constater qu’il y a moins de fanzines musicaux sur papier maintenant qu’il y a 20 ans, que la production a glissé vers le graphzine et les arts visuels, ceux qui existent compensent largement par la qualité et l’érudition déployée. Affranchi de la dictature de l’actualité, qu’on peut aisément déléguer à instagram ou facebook, le fanzine est plus considéré maintenant comme un objet conçu pour rester, un objet de valeur, comme c’est le cas des deux derniers titres cités.