Expo « 20 ans de Fanzines rock »

Voir >>> Expo « Labomobile Sérigraphik Tour »

1977-97, histoire d’un mouvement parallèle.

L’exposition «20 ans de fanzines rock 1977-1997 – histoire d’un mouvement parallèle» a été conçue lors du festival « Stop Hypocrisy» de Marmande en septembre 1997, qui voyait la reformation des Parabellum. Elle tient à la fois de l’exposition conventionnelle et du salon de lecture, et se présente comme un ensemble de 14 panneaux explicatifs, mis en page et illustrés par Ninie Soumagnac, assortis de 300 fanzines originaux. Les textes sont de Didier Bourgoin.

Une version virtuelle de l’exposition, réalisée par des étudiants de Master 2 IT de l’Université de Poitiers, est disponible sur le site internet de la Fanzinothèque (>>>voir).

Composition de l’expo
– 14 panneaux d’1 mètre carré (avec œillets)
– 300 fanzines
      – 1 bande historiée de 99 photocopies 7 x 1 m
(couvertures et images extraites des fanzines)
Emplacement minimum nécessaire : 20 mètres linéaires
Matériel nécessaire sur place
10 tables pour une longueur totale de 20 mètres

Extrait de Rage #32 janv. 98 – Dominique Mesmin – résumé du texte de l’exposition >>>>>

1978-1982 : BALBUTIEMENTS

Cela commence à bouger. Deux nouveaux titres Feeling et Gig se lancent en kiosque. Malheureusement l’aventure sera de courte durée. Financé par un éditeur de revues pornos, Feeling existe en 78 pendant 7 numéros. Suite à des problèmes d’affichage pour les éditeurs de X, la boîte coule emmenant avec elle  Feeling. De son côté Gig première époque (Nov 79-81) donne dans l’info tous azimuts. Avec son esthétisme résolument moderne, il défend le rock français (Taxi Girl, Suicide, Roméo …) et fera des émules puisque ses créateurs inventeront le premier magazine rock gratuit.

Entre 78 et 82, plus de 20 titres voient le jour. Une partie connaîtra une certaine longévité et marquera son époque. Ce fanzinat balbutiant possède une dispersion géographique très notable, donne déjà dans la diversité (orientation musicale, contenu, etc.) et a la volonté de promouvoir des groupes différents ou inconnus et des scènes locales ou internationales.

 

 

 

Quelques exemples :
NEW WAVE (Paris)>1ère époque 80/87. Nouvelle série sous le nom de New Waves.
Dans ce format tabloïd se côtoient la scène américaine la plus radicale (Dead Kennedys, Residents), l’industriel européen (Laibach), les courants post punk et le punk rock français. En 90, NEW WAVE s’associe à Sub Rock, magazine pseudo-underground. Après 3 numéros en kiosque NW fera les frais de cette association hasardeuse et claquera la porte.

HELLO HAPPY TAXPAYERS (Bordeaux)>En 10 ans et autant de numéros HHT affirme des choix esthétiques et musicaux audacieux. Un goût pour les musiques extrêmes. HHT explore sans concessions les circonvolutions d’une certaine création froide. HHT fut le premier à parler de E.Neubauten, Black Flag, Swans, Rollins ou Albini.

ON EST PAS DES SAUVAGES (Pau) > 25 numéros 81/84
Exaltation du rock, subjectivisme combattant et esprit pionnier pour un fanzine nettement roots rock and rebel.

 

D’autres fanzines à l’état d’esprit similaire invitent aussi à un éclectisme, une curiosité, et une ouverture musicale. Les rubriques débordent d’informations régionales, d’adresses, de contacts mais leur perception est plus généraliste, leur discours plus modulé. Spliff de Clermont-ferrand (9 numéros entre 81 et 84) sera aussi une radio, un label, une boutique de disques et un organisateur de concerts. Rock Hardi (Clermont-Ferrand, 26 numéros depuis 82) est le plus ancien rockzine existant. Il déclinera et décline toujours rock et bd et continue à défendre et privilégier les indépendants et ceux qui préfèrent la sincérité à l’opportunisme. Bruit d’odeur (Perpignan, 7 numéros entre 82 et 84) très inspiré par Metal Hurlant parle aussi bien de dub, de comics underground que de punk. Nineteen (Toulouse, 14 numéros de zines entre 82 et 85, 11 magazines), grâce à son érudition forcenée traque de nouveaux talents des styles garage, psychédélique ou rock australien.

 

 

 

 

Après le punk vulgairement provocateur et ostensiblement négativiste, il est de bon ton de jouer la carte d’une certaine modernité. Gloria (Paris, 7 numéros entre 82 et 84 puis kiosque), tabloïd N&B gratuit respire le dandysme et l’intellectualisme. Il mélange stylistes et jeunes musiciens. En 85, il donne naissance à L’Equerre Moderne (Paris 81/84 puis kiosque), “revue des musiques-images” , revendique esthétisme, approche cérébrale et souci graphique. Moins importants mais tout aussi présents, Intra Musiques et Notes arpentent les musiques nouvelles issues du jazz, du rock ou de la musique traditionnelle. Autre famille, celle de La Bible (Clermond-ferrand, 81.86), l’anarcho punk Guerilla urbaine (Le Havre, 81/83), un journal d’idées et de société sur le rock.

1983/1990 : ZINES, ALTERNATIF ET COMPAGNIE

Voici venir une période d’engagement musical. Auto-définis comme “a-journalistiques et a-commerciaux” les titres tels que Out Of Nowhere (Paris 88) et Rock Press (Toulouse 86) marquent bien la ligne de partage entre partisans d’une démarche pro-artistique sans concessions et ceux qui acceptent même timidement de faire des compromis.

83/90, c’est la date de naissance et de mort des Bérurier Noir , mais c’est aussi celle d’un mouvement “auto-proclamé” alternatif avec ses labels (Gougnafs, Closer, Bondage, boucherie, Black et Noir, Jungle Hop…) et ses groupes comme Berurier Noir , Oth , Parabellum , City Kids , Clair Obscur … Ce courant, pas toujours cohérent et solidaire est porté par une petite presse active, nerveuse et généreuse. Des réseaux, des associations, des lieux de concerts se mettenten place. L’effervescence est partout. Durant cette période une dizaine de zines vont passer en kiosque avec des fortunes diverses. Fatales ( Nineteen , Worst , Out Of Nowhere ), difficiles ( Rock Press , Kamikaze , Rock Non Stop , L’Equerre , Moderne ) ou réussie (Les Inrockuptibles ). Les pionniers disparaissent successivement pour laisser la place à des petits mouvements entreprenants. Retenons No Government (Reims en 85), Abus Dangereux (Montauban en 87), The Nutcase (Nantes en 88), Earquake (Le Menil, 89). Parmi les disparus, signalons les qualités rédactionnelles de Rock Art (Paris, 83/84).

Et puis il y a eu les activistes rock qui malgré leur brève existence sont arrivés à dépasser le seuil des 1000 exemplaires. Leur prosélytisme ne se limite pas à la musique mais touche à la bd, au cinéma, à la littératuren au graphisme.

Les héros du peuple sont immortels (Morsang-Sur-Orge, 85/86) est la voix et l’organe du Gougnaf Mouvement,       Le légume du jour (7 numéros 87/90) fut un des grands apologistes de l’alternatif, Tant qu’il y aura du rock/Combo (Poitiers:Paris 84:88 puis 89/91) est un véritable manifeste en faveur des garage bands Us, du punk, de la musique psyché. Après avoir fondé un label, le principal activiste monte la revue Combo (polar, sf, musique).   Up (Périgueux/Angers 88/91), petit frère d’un Maximum R’n’R agrémenté de bd a des prétentions littéraires. Violence (St Etienne, 90:94) défend le hardcore, le rock australien, le punk rock, le rock indé. Et puis il y a tous les autres comme Bruits et Graffitis, Tuez les tous, Krime Sonik, noir Marine…

Durant cette période, on peut aussi remarquer un mouvement garage, un terme générique qui englobe aussi bien le punk Us des 60’s, le psychedelic punk que le rock australien. Parmi cette pléthore de défenseurs et derrière les “grands” que sont Nineteen et TQADR , on citera Fun, Losers, Shadows & Reflections, Psychotic reaction, australian Rock, frissons, Vibrations, Creepy Crawly ( Meteors), who’s behind The Mask (Cramps). Leurs travaux encyclopédique et cyclopéens oeuvrent pour le pur plaisir et l’érudition.

En 83, il y a plusieurs façons de revendiquer sa punkitude. Soit en défendant un punk libertaire à la Crass , gauchisant comme les Clash ou alors en soutenant le hardcore Us anti-reaganien ( dead Kennedys, Black Flag, Minor Threat… ). Une presse va naître, diversifiée et militante, Kanaï (Lyon/Paris, 84/86) est proche de Crass, On A Faim (St Etienne depuis 85) a établi un véritable réseau avec son label et son organisation de concerts. Sa ligne rédactionnelle incorpore aussi bien le théâtre, la photo, le hardcore que le reggae. Il y a aussi les gauchistes rock d’ Alerte Rouge (84/85), l’éthique Hc Us d’ Est-ce bien raisonnable (86/90), Caladeshnikov, qui lutte pour le végétarisme, la défense des animaux, l’anti-psychiatrie et Soleil Noir (Paris, 90/93) très porté sur le roman noir, la sf, la bd.

Le courant Punk hardcore n’est pas en reste. Outre des articles dans des zines généralistes, il existe peu d’organes consacrés exclusivement à cet état d’esprit. A titre d’info, retenons M-Extaz (86/92), Scène Plongeon (st Herblain, 86/87) qui incorpore une rubrique ska, le travail titanesque et d’utilité publique de Earquake (le Ménil, 53 numéros depuis 89), eruptiv (dijon, 88:90), Are You A Man Or A Mouse???? Côté Punk’s Not Dead, citons Le démoniaque (Marne-la-Vallée, 83/84), Alienaton (le Havre, 84/88), Le Dekapsuleur (Paris, 84/86), No Government (Reims, 35 numéros depuis 85)…

Certains zines issus du post punk, de la cold wave, du batcave, du gothic, mais aussi de l’industriel, des musiques électroniques ou bruitistes nourrissent une tendance froide, polaire et cryptique. Le discours est élitiste, l’esthétisme froid. Les plus marquants furent Out Of Nowhere, Rock dans l’obscurité (amiens, 83/87), Neo (Paris, 83/87), Espoirs éphémères (lille, 87/92), Entropie, Europa, Kunst ou Dissonance.

 

 

 

Du côté de la opo, on retiendra évidemment l’exemple des Inrockuptibles , nés en 86, qui se firent au début l’écho fidèle, voire salvateur des tendances pop. Dans un style assez similaire on peut mentionner les pionniers de Mea Culpa (Créteil 85/89) qui proposaient des critiques, véritables “autopsies sonores”, Another View (Paris 90:92), copie conforme des Inrocks et Prémonition (Paris, 27 numéros depuis 87).

Dernière famille, celle du métal. Ce réseau s’est structuré très rapidement autour d’une cinquantaine de titres très pointus (metal, heavy, grind, death…). On retiendra L’âme de fond, Troubadour, Mediators, Alliage, Metallorgie…

1991/1997 : DECLOISONNEMENT ET CYBERIE
Après le faste, l’ivresse des années “indés”, les jets d’éponge se sont succédés. Une génération de fanzines est arrivée à son terme. Une autre lui succède. Très vite. Elle utilise les nouvelles technologies et relance le débat sur l’avenir de l’imprimé, de l’écrit et du lu. Les mutations sont en cours. Même si le fanzinat est par nature une presse en perpétuel mouvement, on peut constater une relative stabilité. De plus, l’évolution des techniques (informatiques et reprographie) permet un saut qualitatif énorme. Belle maquette, maturité rédactionnelle, ils sont de plus en plus nombreux à offrir de superbes revues. Abus Dangereux (Montauban, 52 numéros depuis 87) est le plus brillant exemple d’un éclectisme aussi généraliste que spécialisé (voir Rage 26). Ils ont aussi créé un label et une boutique de disques. Hyacinth (Paris, 89/93), Octopus (Paris, 94) et Ortie ont eux aussi définitivement marqu” l’underground avec les préoccupations esthétiques de la maquette et une sacrée pertinence musicale. Ils emmènent le lecteur à la découverte des sphères aux individualités marquées et où les étiquettes ne signifient plus rien. Larsen (St alban Leysse, 12 numéros depuis 92) est imprégné de r’n’r sauvage et offre à haque livraison 130 pages d’anthologie rock, garage, fuzz. On peut aussi citer Dig It! , Vacarmes, Worst et Kerosène (Nancy, 95) qui avoue un léger penchant pour le hardcore hexagonal.

Le fanzinat, vivier créatif débouche parfois sur le passage en kiosque, le prolongement logique d’un activisme forcené. Magic Mushroom (Paris, 91), courtise une esthétique et des musiques “Inrocks” (un peu comme L’indic ). Ecriture rigoureuse et réelle érudition font de Magic une référence sûre. Jade (Montpellier, 91) pense avec humour et fraîcheur que bd et rock peuvent se partager la une d’un magazine.

Le décloisonnement musical des années 90 a entraîné l’apparition d’autres zines. Les contours des styles sont devenus élastiques. Tout s’entrechoque. Le métissage de nouvelles tendances (trance, néo, tribalisme, jazzcore…) est devenu omniprésent. Des émotions nouvelles, une redéfinition du langage musical et donc de ses alternatives ont rénové la ligne rédactionnelle des zines qui absorbent dorénavant toutes sortes de nouveaux élans créatifs. Pourtant, certains restent proche du rock zine comme Positive Rage (verrières-le-buisson, 92), kill What? (Nissan, 94), Sonik (rennes, 92), 21 Again, Extra J azz, Silly Hornets, Tranzophonia. En parallèle, une poignée de zines sont consacrés aux musiques expérimentales, atmosphériques, bruitales… ( Peace Warrior, Noctions, Bruits, Panoramade…).