Sacré refrain ! "C'est comme si c'était
mon frère dit-il."
Ils sont gentils ces groupes punk's not dead des deux
côtés de la Manche, un peu balourds, souvent
franchement pas clairs.
De
la musique avant toute chose lit-on parfois au mépris de
certaines convictions ; on préfère ne pas en
parler, se laisser porter par l'urgence des textes, les riffs des
accords et les litres de kro qui s'écoulent dans les
gosiers.
Quelques uns ont cependant leur conscience pour eux et le font savoir ;
au menu : LE DEMONIAQUE, ALIENATION, LE DEKAPSULEUR, NO
GOVERNMENT, sans oublier CRISANTEM, SURSAUT, KONTAGION.
Originaire d'un département qui a le bon chiffre - la
Seine et Marne c'est 77 bien sûr -, LE DEMONIAQUE
incarne la 2ème vague du punk français, la
version un peu moins bourrine et un peu plus policée que
l'autre CHAOS ; Guernica, Porte-Manteaux (pré-Parabellum),
Brigades, Gnomes, Cadavres, Rats, Wunderbach papotent, rigolent et
boivent des coups. LE DEMONIAQUE organise des concerts à la
ferme d'Emerainville ; les photos du zine conservent la trace de
fraternisations imbibées et pogos houleux.
En 1984 soucis de la rédaction et méchantes
résolutions : "nous voulons des concerts clean où
on puisse s'éclater ; nous voulons pouvoir être
bourrés sans rien casser ; y'en a marre de la stomba, de
l'hôpital, de la frime".
Le rôle du fanzine : "le fanzine pousse dans l'ombre le rock
à mieux vivre et ce malgré les
commérages incessants et médisants et
malgré la vérole".
Guérilla Urbaine se saborde fin 83, sur les "cendres encore
chaudes" ALIENATION paraît en
Janvier 84 ; il sera plus joli et plus carré. Il fixe ses
objectifs : "nous voulons échanger des idées et
des informations avec un maximum de gens. Le fanzine est en fait un
prétexte pour ça. (...) Nos lecteurs, c'est vital
pour nous ; les lecteurs d'ALIENATION sont certainement les plus actifs
de France."
A un autre moment il fustige son lectorat trop passif (n° 22 -
fin 1987) : "c'est trop facile d'acheter son petit disque de temps en
temps. Il serait temps pour vous que vous vous sentiez
concernés par ce qui se passe autour de vous, que vous
preniez vous-mêmes des initiatives..."
Parti d'un 30 pages sur le british punk : One Way System, UK Subs,
Angelic Upstairs, et quelques hexagonaux : Camera Silens,
Oberkampf, Kromozom 4, ALIENATION glisse ostensiblement vers un
sommaire plus hardcore, des scènes internationales avec le
n° 20 : évolution oblige et arrivée de
nouveau "personnel" au sein de la rédaction.
LE DEKAPSULEUR n'a pas peur des gros mots
: "on a décidé de faire un zine pour parler de
musique et pas pour se masturber le cerveau sur des théories
/ théologies casse-couilles."
1985 ça polémique sec dans le microcosme : une
interview du skinband parisien les "Tolbiac Toads" fait
réagir le zine KANAI qui leur décoche quelques
flèches. Réponse du DEKAPSULEUR :"77 est
décidément bien loin ! Les punks sont en carte
postale, les skins se tapent dessus. Si on interview Crass, on sera
anars ; si on interview les redskins, on sera socialistes ? Non assez
de conneries et bonnes lectures."
Peter & the Test Tub Babies, Vatican, Toy Dolls, Trotskids,
Sherwoods, Minor Threat, Kidnap, Red London, Kortatu, tout le punk est
là de 77 à 86.
NO GOVERNMENT a la vie dure. Depuis 12 ans Arnaud
Schuler concocte patiemment un fanzine entièrement
fait-main. Sa potion magique : le punk-rock. Il faut dire qu'il est
tombé dedans tout petit.
Après avoir rêvé un temps à une fugace et utopique unité punk + skin, Arnaud s'est livré corps et âme à la cause de cette musique chérie au plus profond de son coeur : "notre zine comporte pas mal de fotes d'orthografs, c'est normal car on s'en balance totalement", le n° 4 s'ouvre avec l'action d'éclat de l'année 85 : 200 punks attaquent la police à Montreuil ; bataille rangée entre punks et policiers, pour défendre l'occupation de la salle de concerts / squatt l'Usine. Événement travesti, monté en épingle (à nourrice !) par une certaine presse qui en profite pour agiter le sempiternel épouvantail : punk = délinquance = voyou = barbare dégénéré. Revient sur le tapis la controverse autour du KANAI n°6 qui avait
"allumé" un certain nombre d'autres zines outre LE
DEKAPSULEUR (pour les Tolbiac Toads) : BRUITS &
GRAFFITTI (pour leurs subventions), COMBAT
ROCK (pour le "procès" contre MOLOTOV
& CONFETTI), d'autres zines... la polémique se
poursuit et Arnaud Schuler de s'esclaffer pour commencer : "C'est
à mourir de rire !!"...