2. DECLOISONNEMENT :

A) LA VALSE DES ETIQUETTES

Sous-titré jeu de famille - jeu de vilain. Le fait majeur en cette fin des années 90 dans le domaine des musiques qui nous intéressent - et par voie de conséquence sur les fanzines qui en parlent -, il est dans le titre de cette section : le décloisonnement.
Entre 91 et 93 hardcore, hip hop, pop noise, techno débarquent successivement, s'implantent, s'enracinent ou s'affirment en gagnant un auditoire de plus en plus nombreux relayé en cela par l'opportunisme des maisons de disques et des organisateurs de concerts, et des médias très présents.
Dans un premier temps le "rock alternatif" (Ludwig Von 88, Dirty District, La Souris Déglinguée...) est supplanté dans les publications qui paraissent par un hardcore pop noise et ses dérivés. Le glissement se fait toutefois très progressivement. Mais l'accalmie est toute relative.

Et un décloisonnement assez inattendu s'annonce rapidement. 95-97 tout se brouille.
Certaines catégories musicales deviennent complètement ineptes, leurs contours élastiques, leur définition plus floue. La simple combinaison de genres déterminés (hardcore, pop-noise, techno-trash, jazzcore, ragga-jungle) ne suffit plus à exprimer ce qu'on écoute. II faut combiner encore plus. En cette fin de 20e siècle, tout s'entrechoque, où va -t-on ? Aspiration permanente à la nouveauté, persistance et puissance de la transe, omniprésence de la technologie, néo-tribalisme, nouvelles éthiques et recherches intérieures, pulsions, et appétits voraces poussent créateurs, amateurs et public à faire se rencontrer, se heurter des musiques d'origine et de nature extrêmement différentes. Un métissage planétaire, techno-centrique.

 

B) ACTIVISME ET NOUVEAUX COURANTS

Avec l'arrivée sur le devant de la scène de groupes, de sons et d'émotions nouvelles, bien des fanzines vont élargir, faire évoluer et réactualiser leur contenu en quelques numéros.
On passe de OTH à Portobello Bones, de Raymonde et les Blancs Becs à Prohibition et Condense. La première scène indé s'étiole, seuls les Thugs eux passent toujours bien. Tout cela n'a rien à voir avec un opportunisme ou une compromission quelconque - mais une simple évolution des goûts.
Autant que le langage musical, ce qui importe dans un groupe, c'est la démarche qui l'anime. L'alternatif, on l'a vu, n'est pas l'apanage d'une forme musicale en particulier. Les démarches alternatives, en ces années de grâce 92/93 sont de nouveau en mouvement et en pleine effervescence. Elles semblent répondre aux stratégies mises en place par les "majors" pour mieux capter énergie et vitalité des "indés". Fortes de l'expérience du passé, elles ont su rénover leur image, s'adapter pour pouvoir absorber sans difficultés soubresauts et convulsions qui traversent la création underground. Finies la récupération et le clonage, l'objectif est d'anticiper, avoir de l'avance, prévoir les scenarii du futur pour répondre aux besoins du marché, voire le créer.

Situation insupportable pour tout ceux qui oeuvrent dans l'ombre. POSITIVE RAGE, KILL WHAT?, SONIK.
Ils représentent tous les 3 le type de fanzine encore proche du rockzine. Ils parlent de groupes qui empruntent leurs formes musicales au rock. L'éventail est cependant très large entre courants hardcore ou noise et leurs dérivés ; Thugs, Fugazi, Drive Blind, Prohibition, Burning Heads, Sleepers, Headcleaners, Treponem Pal sont au sommaire des 3.
Leurs escapades musicales sont encore timides, leur implication sûrement pas. La matière est consistante.


positive rage
POSITIVE RAGE
(Verrières-le-Buisson)
6 numéros depuis 92


"Le fanzine naît d'une passion. Le fanzine n'a rien à perdre, ce qui lui permet d'écrire ce qu'il pense et non ce qu'il vend". (N° 5 - 95)
Tétanisé un temps par Fugazi, Mathieu Gélézeau aime raconter sa proximité et sa complicité avec "la scène".


kill what
KILL WHAT?
(Nissan)
4 numéros depuis 94


Kelly a la double nationalité française et américaine. Depuis son départ aux Etats-Unis son fanzine a pris l'aspect d'un canard type Maximum Rock and Roll (format, mise en page, papier journal) écrit en français. Une montagne de chroniques...


sonic
SONIK
(Rennes)
8 numéros depuis 92


SONIK est boulimique. Il a vraiment beaucoup de choses à dire !


A consulter :

TWENTY ONE AGAIN, EXTRA JAZZ, SILLY HORNETS, TRANZOPHOBIA, ZIK ZINE de Marie-Pierre Bonniol.


INDEFINIS... Fanzines de références :



bruits
BRUITS
(Paris)
3 numéros 94-96
7 numéros depuis 94


notions
NOTIONS
(Chateauneuf-les-Martigues)
7 numéros depuis 93


peace warriors
PEACE WARRIORS
(Paris)
5 numéros depuis 95 + 1 hors série spécial Fred Frith - été 97


Tous ces fanzines ne constituent pas à proprement parler une "famille", ni même un courant. Ils sont simplement voisins, une proximité qu'ils partagent avec la récente évolution d'OCTOPUS ; ils se sont engagés de la même façon sur des sentiers complètement novateurs. Leur champ d'investigation (et de prédilection) englobe une aire musicale très large et très ouverte : industrielle, expérimentale, bruitale, progressive, atmosphérique, psyché, technoïde, improvisation jazz.
Ils ne s'apparentent pourtant pas aux revues "avant-gardistes" ou de musiques nouvelles des années 70 comme ATEM même si au sommaire on retrouve Robert Wyatt, Fred Frith ou Chris Cutler. Ils ont intégré le punk, la techno, le new-age.
Leur regard est plus neuf, leur discours évite la cérébralité. Ils se proposent d'aller à la rencontre de créateurs, de groupes réellement novateurs, à la démarche profonde et sincère, bien à l'écart des circuits commerciaux et des réseaux parallèles d'une création underground qui parait tourner en rond.
Nouvelles alternatives et créativité réelle ne seraient plus à leurs yeux dans le rock, y compris dans ses formes les plus audacieuses. (NOTIONS n° 7) Se croisent donc John Zorn, Tom Cora, Alboth, etc..


HIP HOP ET TECHNO
Comment se fait-il que, malgré une identité forte et concerte, un goût et une culture de l'image très développé, un attrait pour le visuel et l'expression graphique (graffs dans le hip hop, fractales dans la techno), ces 2 courants musicaux n'aient pas enfanté jusqu'à présent une presse d'information et de création underground très importante ?
Peut-on considérer que parce qu'elles sont des musiques à danser avec un message facilement édulcorable, elles aient été plus facilement récupérées ? En tout cas, les grandes entreprises de marketing s'en sont rapidement emparées pour les vider de leur substance, les installer dans une superficialité, les transformer en phénomènes de mode, en faire des objets de consommation bien policés.
On peut également penser que la techno, plus portée sur les machines et la technologie (ça tombe sous le sens), les univers artificiels et virtuels, l'éphémère et le rapide, les jeux du paraître et du factice, ait trouvé dans le multimédia et internet plutôt que dans l'imprimé, une expression plus appropriée à son langage, son esthétique.

QUELQUES REPERES

HIP HOP



TOX-1
(Paris)
8 numéros 91-93


YOURS
(Paris)
3 numéros 95-96


DOWN WITH THIS
(Montreuil)
4 numéros 94


MATSA
(Rennes)
2 numéros depuis 97


GET BUSY
(Saint Denis)



TECHNO



CYBER NEWS
(Toulouse)
8 numéros 93-95