Les Inrocks, les Inrocks...
On pourrait s'en douter, mais comment ne pas parler (très
peu) des INROCKUPTIBLES, ce
fan/magazine né en avril 86 qui très
rapidement va conquérir et s'imposer dans l'espace hexagonal.
Surprise de taille ! On avait méprisé la "pop
sucrée" dans nos contrées où le rock
s'est fait par trop
musclé, mâle, hâbleur, revendicatif,
à l'opposé de la Grande Bretagne où le
rock pour "les gentils jeunes
gens" aimant leurs parents n'avait pas encore trouvé sa
place.
Les INROCKUPTIBLES saura se faire
l'écho fidèle (salvateur diront certains) de ces
tendances.
Il est évident que ce titre "majeur" a eu une influence sur
le reste des publications.
Il a su imposer une image, une démarche. Sa
réussite commerciale tient aussi à son
esthétique, le
rapport texte / image, vide / plein, noir et blanc.
Sobriété et concision - l'anti-punk.
Dans cette brèche ouverte se sont engouffrés
quelques titres, voyons-les ensemble :
MEA CULPA
(l'originel le pionnier), ANOTHER VIEW
(la comète copie-conforme), PREMONITION
(le coureur de fond).
C'est pas ma faute, c'est celle de MEA CULPA.
Bien à part dans le paysage du fanzinat hexagonal (et c'est
tout à son honneur, être à part dans
l'à part c'est pas mal), MEA CULPA s'est livré
pendant 9 numéros à un exercice bien particulier
; il en a fait son cheval de bataille, y a manifesté
virtuosité et bravoure : c'est celui de la critique musicale.
Par critique musicale j'entends chroniques de démos, de
vinyls, de CD ; ce que Stéphane
Rozencwaj, son rédacteur, appelle sans pudibonderie des
"autopsies sonores" (c'est dire si c'est décortiqué). La critique, c'est bien, l'art,
difficile par excellence ; là où
s'épanche la subjectivité élémentaire nécessaire à
toute bonne vision objective.
Trêve de plaisanterie, très tôt MEA CULPA
s'enthousiasme tellement pour la nouvelle pop anglaise,
sa fraîcheur, sa nouveauté, sa
naïveté, tout en défendant une musique
plus difficile d'accès, plus dure et plus froide (Live
Skull, Siglo XX, Durutti Column...)
Sur les Pastels : "nous ne sommes pas loin de penser que les Pastels
pourraient bien être les instigateurs, les générateurs de toute une
nouvelle génération de groupes". (Octobre 86) MEA CULPA converse abondamment avec son lectorat, conseille et
déborde d'altruisme forcené.
Une réflexion pour finir : " il y a exactement dix ans,
c'était en 1976, un jour nouveau se levait sur Londres. Un
peu partout, des jeunes, des très jeunes gens en ont eu
assez qu'on leur chante l'amour, la paix et les petits oiseaux dans les
arbres, alors qu'ils vivaient dans la haine, la poussière et
le chaos. Des jeunes en ont eu assez de cette musique rock,
réservée à une élite de
musiciens rébarbatifs et poilus. Pour eux, la
création était à portée de
chaque main, il n'y avait plus qu'à la saisir. Il y a dix
ans, Londres et l'Angleterre ahuris découvraient le
mouvement punk." (Mars 86)
Quelle est cette "autre vue " ?
Où est cette autre perspective ?
Sans vouloir éreinter a priori cette nouvelle revue ni
sombrer dans la critique naïve et facile qui ferait d'eux des
suiveurs avisés et agissants n'ayant pas les attraits
magnifiques de leurs prédécesseurs, on peut se
demander chez ANOTHER VIEW où
est le discours, l'originalité...
Que pensent-ils ? que défendent-ils ? qui sont-ils ? des
apprentis-littérateurs satellisés autour de la
planète pop ?
ANOTHER VIEW s'apparente trop à ses
aînés pour défendre envers et contre
tous son identité.
C'est dommage !
Quelques espaces sont réservés
néanmoins à la création, mais tout est
trop conditionné, arrangé,
procédurier. Où sont donc l'innovation et
l'imagination !
Enfin ! ils s'y sont succédés : Lush, Cocteau
Twins, Sonic Youth, Julian Cope, Bill Pritchard, The Cramps, My Bloody Valentines, Kat Onoma, The Jesus
& Mary Chain.
Sans animosité et par respect pour les groupes qui y ont
été invités et
catéchisés, sans désir trop futile de faire l'impasse sur ce titre, mais il faut bien dire que PREMONITION
est bien trop frigide pour suggérer, susciter quoi que ce soit dans cette
rétrospective. PREMONITION a le mérite
d'exister. Et d'exister bien !
PREMONITION a su rester fidèle à ses
débuts, en tout bien tout honneur. Son chemin bien
tracé est rectiligne et droit.
Bonne route !