Alors que ce courant musical (le hardcore) est
très bien structuré dans de nombreux pays
notamment en Italie ou dans les pays Scandinaves depuis 81-82, la
France a très peu été
touchée à cette époque-là
par ce nouveau punk américain puissant, rapide et politique.
Des groupes comme Dead Kennedy's et Black Flag sont certes connus ;
mais la scène française n'est alors
qu'à l'état embryonnaire : Flitox, Heimatlos, les
Gnomes. Quelques associations organisent des concerts : Elastic Crew
Enterprize (Paris), Argh! (Clermont-Ferrand), Kir Split (Dijon), puis
Warhead (Paris). Deux distributeurs se partagent le "marché"
: Jungle Hop (à partir de 88) puis Plus Au Sud (en 89) ;
quelques disquaires assurent un bon catalogue de V.P.C : Bunker Records
à Grenoble depuis 83, Thrash Records au Havre, Terminal
Records à Paris. C'est peu ! Les articles qui paraissent
dans les fanzines sont peu nombreux.
NEW WAVE,
HELLO
HAPPY TAXPAYERS et EST-CE
BIEN RAISONNABLE s'intéressent parfois
à cette scène ; les titres
spécialisés sont rares, et le public
néophyte confond le hardcore avec le revival anglais du
"punk's not dead".
Fanzines et fans de hardcore ne revendiquent pas à
proprement parler une "attitude politique". Dans l'éthique
harcdore U.S, l'engagement est plus une affaire personnelle, une
démarche individuelle. On doit d'abord se
réformer soi-même, rechercher "another state of
mind", un autre état d'esprit.
Certains fanzines français adopteront parfois certaines de
ces idées : végétarisme, straight-edge
(pas d'alcool, ni de drogue), non-profit, D.I.Y ("do it yourself"),
think by yourself ("penser par soi-même"), d'autres n'en
auront cure et se borneront à parler uniquement de musique.
Les premiers numéros sont plutôt rustiques ; la
maquette à la limite de la lisibilité.
M-EXTAZ se
consacre d'abord aux quelques groupes français connus ou
inconnus : Vortex, Heimatlos, Cock
Roachs et ne donne que dans l'interview, puis ça
s'internationalise ; les scène reports apparaissent,
les infos les chroniques aussi.
Le n° 8 (1989) passe un cap, il est imprimé sur
papier glacé avec une
belle photo de Henry Rollins en couverture. La mise en page est un peu
plus élaborée ; le skatecore
arrive !
On parle désormais de grands groupes qui finissent par jouer
en France : Poison Idea, Fugazi, Bad
Brains, Youth of Today.
M-EXTAZ s'arrête en 90 ; pour repartir 2 ans après
puis s'arrête rapidement.
7 personnes composent la rédaction de SCENE
PLONGEON, fanzine cohérent et construit. Que
du
beau monde au sommaire du n°2 : les entretiens sont vifs et
intéressants, les questions pertinentes,
les réponses longues et précises. Joe "shithead"
de DOA parle de ses convictions, Problem Child du
Canada, leur pays, lan Mac Kaye s'explique clairement sur la question
du "straight-edge" et de son
interprétation catastrophique, Spermbirds, Descendents, The
Ex et Culture Schok évoquent leur "carrière".
Entre autre originalité une rubrique du SCENE
PLONGEON est
consacrée au ska et deviendra le
fanzine SKACTUALITES.
"Mais où est donc la 5ème colonne" est une
rubrique d'humeur très perçante ; il y a le
constat un
peu agacé de la platitude de la scène
française ; vision pessimiste et remise en question. "En
faisant
SCENE
PLONGEON, est-ce que je ne contribue pas à une
certaine façon de faire du hardcore une
mode ?(...) La sincérité de quelques personnes
est étouffée par l'inconsistance de beaucoup."
On remarque aussi qu'en 1987 la scène HC a pris le pas sur
la scène punk en Grande Bretagne. 10 pages d'un dossier sur le révisionnisme viennent
couronner le tout.
A relire !
Fred Leca tient la cadence depuis 8 ans ; une trajectoire sans faille
pour un fanzine s'auto-
proclamant punk-hardcore-trash, qu'il fait de surcroît
(presque) tout seul; un exemple de régularité
hallucinant ! D'abord mensuel, il parait désormais tous les
2 mois. L'édito est toujours très laconique
tant il y a d'informations, de contacts, de chroniques à
publier. Jamais vu autant de choses sur un
format A5 - Terrible à dépouiller.
Ses revues de presse sont un vrai régal : scène
lectures,
publications et presse libertaires, lectures underground "non
motivés par le profit, le pouvoir, la
gloire ou la pub" (dixit).
Il passe tout ce qu'on lui envoie, reste gentil avec tout le monde, il
a toujours beaucoup de
nouveautés et parvient à glisser des interviews
complètes.
Très impliquée, EARQUAKE
c'est la publication la plus "pro" de l'info fanzinesque hexagonale
à n'être jamais passée par l'offset ;
sa maquette n'a jamais varié (elle s'est
légèrement
organisée). Son tirage est très
limité, 150 exemplaires diffusés
auprès d'un public "ciblé" (abonnés
et autres).
Ce travail est tout à fait incroyable, titanesque et
d'utilité publique. Une référence.
L'esprit fanzine selon Fred Leca (EARQUAKE
n° 2-Novembre 91) "j'avoue que je n'ai pas trouvé,
mais je suis sûr de ce que ce n'est pas : c'est pas son
orientation musicale (y' a des fanzines qui
parlent de rien) puisque le contenu n'est pas l'essence même
du fanzine. Non, c'est plutôt la
façon dont il est rédigé, dont il est
vendu et fabriqué."
Hervé, le créateur du fanzine, fait ça
tout seul avec peu de moyens et beaucoup de mérite. Ca
donne un résultat de bonne tenue et solide. Comme ce
numéro 4 avec format à l'américaine
(21 x 27), couverture couleur, papier glacé et un tirage offset
idéal pour les photos, essentiellement des photos de
concerts qui sont le point fort du zine.
Un sommaire orienté straight-edge américain :
Naked Raygun, No Fraud, Verbal Assault et quelques "petits"
français : Flitox, Mental Disturbance, sans discours
moralisateur de la part des groupes interviewés.
ERUPTIV s'enthousiasme pour l'éveil et l'engouement de la
capitale pour le hardcore (1989). Hervé semble passionné par le skate-board.
AYAMOAYAM c'est l'expression, l'entreprise
solitaire mais solidaire de James le Hongrois (alias
Bruno Szollosi). Fan incurable des Dead Kennedy's et Jello Biafra,
James le Hongrois explique avec
humour son intention : "je n'ai pas la prétention d'apporter
quelque chose de neuf - seulement je
voudrais avoir fait un truc dans ce mouvement, histoire de dire quand
je serais vioque j'y étais !"
(AYAMOAYAM n° 1 - Janvier 90)
Ce qui frappe de prime abord c'est moins la présentation chaotique
de AYAMOAYAM, que la qualité
d'impression, le style drôle, dynamique et
élégant, le ton très personnel le
rendent très agréable à
lire.
Est-ce l'attachement à sa Hongrie natale qui fait que
AYAMOAYAM est aussi foncièrement
international ? James le Hongrois n'a pas d'oeillères
puisqu'on lit aussi bien sur la pop, la cold wave,
le rock, Luc Van Acker, Lush, Revolting Cocks, Portobello Bones, Loup.
Il est aussi le seul zine à perdre volontairement de
l'argent. Chaque numéro qu'il fait lui coûte 15F;
il est vendu 12F.
Actuellement James le Hongrois s'exerce à
l'écriture et publie des petites choses très
personnelles.