1. QUE VIVE LE ROCK !

on n'est pas des sauvages
ON EST PAS DES SAUVAGES
(Pau)
25 numéros 81-84


"O.E.P.D.S. est ultra spécialisé et ne prétend pas couvrir une quelconque actualité, rock ou autre. Notre pari est bien différent, même si nous sommes à l'affût de tout ce qui bouge vraiment. Car nos moyens, nos dépendances et nos libertés, n'ont rien de comparable avec d'autres journaux.
Tout d'abord, parce que nous habitons en province. Là où la frustration et le rêve prennent une dimension inégalable.
Ensuite, parce que nous sommes un journal de fans. Qui ne vivent pas de cette aventure. Cela nous permet de choisir nos sujets au feeling, hors des contraintes commerciales. Cependant, malgré notre formidable enthousiasme, nous ne serons jamais un fanzine-culte. Nous saurons, aussi, être vengeurs. Question de vision.
Enfin, parce que notre culture détermine nos goûts, et malgré les sensibilités en mouvement, nous nous retrouvons dans un certain rock, ce phénomène international dont nous voulons être l'antenne locale...
Avec nos quelques milliers d'exemplaires, nous touchons presque exclusivement des gens concernés. Qui, plus de près que de loin, sont impliqués dans ce monde-là. C'est irremplaçable. Nous servons d'intermédiaire -critique- aux expressions les plus diverses qui se retrouvent dans un même style de vie (et de pensée) : rock. Cet univers parallèle des possibles tous proches, des hiers mythiques et des lendemains utopiques...

Le réseau des Sauvages est notre atout. Fragile certes, mais complètement admirable. C'est une richesse que nul écrin ne saurait contenir.
Sachez que nous ne sommes pas des fuyards, mais des évadés. Et nous voulons être, longtemps encore, des pionniers du rock, en France." [Patrick Scarzello, édito du On est pas des Sauvages n° 13-1982]
OEPDS n° 24 (dernier n°) avec Kick en couverture, avait été imprimé à 2000 exemplaires.

L'exposé fier et rageur de Patrick Scarzello exprime une exaltation du rock, une subjectivité musicale combattante qui habite, anime et stimule dans cet esprit pionnier des débuts fanzines, groupes, labels, organisateurs et radios "libres" naissantes. On a le sentiment qu'on peut tous faire quelque chose. Ainsi se dessinent les contours d'un mouvement plus vaste qui bien qu'il soit encore en gestation et fragile, tisse déjà sa toile dans l'Hexagone.


D'autres fanzines dans le même état d'esprit invitent à un éclectisme, une curiosité et une ouverture musicale plus grande. Ils se nomment SPLIFF, ROCK HARDI, BRUIT D'ODEUR ; comme O.E.P.D.S., leurs rubriques débordent d'informations régionales, d'adresses et de contacts. Mais leur perception est plus généraliste, leur discours plus modéré.
Voici ce qu'on peut lire dans un édito de SPLIFF en 1981 : "Par delà tous les sectarismes ; délaissant les regards meurtriers des rockers à l'adresse du reggae, oubliant les pensées intellectuelles généralement attribuées aux adeptes de l'industriel et des musiques avant-gardistes, niant les côtés rétrogrades du blues et autres rythm'n'blues et contestant la perte de vitesse des esprits punks, nous vous livrons ce numéro 8 de Spliff composé, nous le pensons, de 52 pages d'éclectisme. Du mouvement DJ jamaïcain aux allures désormais commerciales de Siouxie, du réalisme des Coronados aux souvenirs mythiques des Deviants et de Kim Fowley, de l'interview choquante des Bad Brains (NY) à la nouvelle aventure naissante du rock'n'roll londonien... notre combat se situe dans un premier temps dans ce sens.
Ensuite notre enthousiasme se porte bien sûr vers la prise de conscience et la perte de complexes de tous ces gens qui font le rock en France. Les fanzines de plus en plus nombreux, l'intérêt porté par certaines radios locales, les labels de plus en plus efficaces... Autant d'initiatives qui nous font croire en l'avenir et en des groupes de plus en plus surprenants.

spliff
SPLIFF
(Clermont-Ferrand)
9 numéros 81-84


Après avoir été fanzine, SPLIFF sera tout à la fois radio, label, boutique de disques et organisateur de concerts... et groupe ! (Real Cool Killers) La totale quoi ! Mais c'est bien dans l'esprit du moment.


rock hardi
ROCK HARDI
(Clermont-Ferrand)
26 numéros depuis 82


Bientôt 15 ans (et toutes ses dents) ROCK HARDI c'est le plus ancien rockzine existant ; ROCK HARDI au cours de sa longue carrière a su s'adapter, se diversifier tout en déclinant habilement et conjointement rock et bande dessinée avant de créer voici 2 ans un nouveau titre : "le Martien".
La rédaction se remémore en ces termes sa création : "1982. Que peuvent faire deux jeunes garçons adorant les Ramones, et ne sachant ni chanter, ni jouer de la guitare? Simple, ils créent une BD mettant en scène leurs héros favoris et comme tous les rédac'chef, les yeux emplis de merde, refusent de publier leur oeuvre, les deux garçons ne s'arrêtant pas en si bon chemin, décident de s'autoéditer et lancent, ce qui va devenir LE journal de cette fin de siècle.
Fabrice Ribaire et Lionel de Terrasse (c'est bien d'eux qu'il s'agit) en bons auvergnats qu'ils sont, rendent hommage à un de leurs anciens, Marijac, créateur de COQ HARDI, et décident de baptiser leur opuscule du doux nom de ROCK HARDI. L'aventure peut commencer, et le n° 1 ne tarda pas à voir le jour..."
Le ROCK HARDI d'aujourd'hui comme il le déclarait déjà à l'occasion de son 15e anniversaire reste toujours marqué par l'envie de "faire partager nos passions pour le rock et la bédé à travers différentes mouvances sonores et graphiques, privilégier les créateurs indépendants et tout ceux qui préfèrent l'imagination, la passion, la sincérité, au conformisme, à la gloire, à l'opportunisme et au pouvoir."
Qu'on se le dise !


bruit d'odeur
BRUIT D'ODEUR
(Perpignan)
7 numéros 82-84


Imprégné d'un graphisme punk à la Bazooka qui habite sa couverture et sa mise en page, très inspiré par METAL HURLANT, BRUIT D'ODEUR parle indifféremment de dub, interviewe et chronique OTH, Cure, Les Cadavres, La Souris Déglinguée, Bauhaus, autant qu'il fait la part belle aux comics underground, à la revue espagnole "El Vibora" et aux dessinateurs stridents et acides que sont Savage Pencil, Caro, Placid, Teulé.
"On préfère lire, faire des fanzines. C'est amateur, sincère, ça part dans tous les sens, mais tous ceux qui s'y expriment, expriment leur individualité, leur imagination et surtout prouvent qu'ils ne sont pas des machines dociles et obéissantes."


nineteen
NINETEEN
(Pau - Toulouse)
le fanzine : 14 numéros 82-85
le magazine ; 11 numéros (3 numéros mensuel, 8 numéros trimestriel)


"La new-wave remet les synthés au goût du jour et les mensuels historiques, à quelques dinosaures près, ont tendance à oublier les groupes à guitares. Les exclus trouvent refuge dans les pages de "Nineteen", Toulouse devient leur paradisiaque royaume. Toute la vague garage qui échappe peu ou prou au reste de l'Hexagone trouvera un écho dans ce bimestriel mêlant érudition forcenée et traque de nouveaux talents.

"Nineteen" est aussi une expérience habile de passage en kiosque, à peine le temps de récolter des abonnés, et hop, retour au circuit parallèle. De fait, le journal s'arrêtera pour des problèmes humains plutôt que financiers, ce qui, on en conviendra, méritait d'être signalé ici." [E. D.]

Il y aurait tant à dire sur NINETEEN (un mémoire universitaire lui est d'ailleurs consacré *). Tout en jouant sur un registre musical assez serré : le garage et psychédélic 60's, le rock australien, NINETEEN a été pendant 6 ans le fer de lance d'une certaine petite presse rock en France.
Brillant, intelligent, combatif, documenté, généreux, NINETEEN n'a pas cessé de manifester esprit de fan, éthique musicale, indépendance et liberté de ton et ceci au prix de difficultés économiques quasi endémiques (hic).
Benoît Binet, Antoine Madrigal et Monique Sabatier, artisans de cette aventure journalistique riche d'histoire et d'enseignement se reconvertiront rapidement en disquaires pour les garçons (boutique ARMADILLO à Toulouse) et imprimeuse pour la dame.

* Eric Bureau : "Nineteen 82-88 - Vie et mort d'un magazine rock Toulousain" IUT de journalisme Bordeaux 1994