"O.E.P.D.S. est ultra
spécialisé et ne prétend pas couvrir
une quelconque actualité, rock ou autre.
Notre pari est bien différent, même si nous sommes
à l'affût de tout ce qui bouge vraiment. Car nos
moyens, nos dépendances et nos libertés, n'ont
rien de comparable avec d'autres journaux.
Tout d'abord, parce que nous habitons en province. Là
où la frustration et le rêve prennent une
dimension inégalable.
Ensuite, parce que nous sommes un journal de fans. Qui ne vivent pas de
cette aventure. Cela nous permet de choisir nos sujets au feeling, hors
des contraintes commerciales. Cependant, malgré notre
formidable enthousiasme, nous ne serons jamais un fanzine-culte. Nous
saurons, aussi, être vengeurs. Question de vision.
Enfin, parce que notre culture détermine nos
goûts, et malgré les sensibilités en
mouvement, nous nous retrouvons dans un certain rock, ce
phénomène international dont nous voulons
être l'antenne locale...
Avec nos quelques milliers d'exemplaires, nous touchons presque
exclusivement des gens concernés. Qui, plus de
près que de loin, sont impliqués dans ce
monde-là. C'est irremplaçable. Nous servons
d'intermédiaire -critique- aux expressions les plus diverses
qui se retrouvent dans un même style de vie (et de
pensée) : rock. Cet univers parallèle des
possibles tous proches, des hiers mythiques et des lendemains
utopiques...
Le réseau des Sauvages est notre atout. Fragile certes, mais
complètement admirable. C'est une richesse que nul
écrin ne saurait contenir.
Sachez que nous ne sommes pas des fuyards, mais des
évadés. Et nous voulons être, longtemps
encore, des pionniers du rock, en France." [Patrick Scarzello,
édito du On est pas des Sauvages n° 13-1982]
OEPDS
n° 24 (dernier n°) avec Kick en couverture, avait
été imprimé à 2000
exemplaires.
L'exposé fier et rageur de Patrick Scarzello exprime une
exaltation du rock, une subjectivité musicale combattante
qui habite, anime et stimule dans cet esprit pionnier des
débuts fanzines, groupes, labels, organisateurs et radios
"libres" naissantes. On a le sentiment qu'on peut tous faire quelque
chose. Ainsi se dessinent les contours d'un mouvement plus vaste qui
bien qu'il soit encore en gestation et fragile, tisse
déjà sa toile dans l'Hexagone.
D'autres fanzines dans le même état d'esprit
invitent à un éclectisme, une
curiosité et une ouverture musicale plus grande. Ils se
nomment SPLIFF, ROCK HARDI, BRUIT D'ODEUR
; comme O.E.P.D.S.,
leurs rubriques débordent d'informations
régionales, d'adresses et de contacts. Mais leur perception
est plus généraliste, leur discours plus
modéré.
Voici ce qu'on peut lire dans un édito de SPLIFF
en 1981 : "Par delà tous les sectarismes ;
délaissant les regards meurtriers des rockers à
l'adresse du reggae, oubliant les pensées intellectuelles
généralement attribuées aux adeptes de
l'industriel et des musiques avant-gardistes, niant les
côtés rétrogrades du blues et autres
rythm'n'blues et contestant la perte de vitesse des esprits punks, nous
vous livrons ce numéro 8 de Spliff composé, nous
le pensons, de 52 pages d'éclectisme. Du mouvement DJ
jamaïcain aux allures désormais commerciales de
Siouxie, du réalisme des Coronados aux souvenirs mythiques
des Deviants et de Kim Fowley, de l'interview choquante des
Bad Brains (NY) à la nouvelle aventure naissante du
rock'n'roll londonien... notre combat se situe dans un premier temps
dans ce sens.
Ensuite notre enthousiasme se porte bien sûr vers la prise de
conscience et la perte de complexes de tous ces gens qui font le rock
en France. Les fanzines de plus en plus nombreux,
l'intérêt porté par certaines radios
locales, les labels de plus en plus efficaces... Autant d'initiatives
qui nous font croire en l'avenir et en des groupes de plus en plus
surprenants.
Après avoir été fanzine, SPLIFF sera tout à la fois radio, label, boutique de disques et organisateur de concerts... et groupe ! (Real Cool Killers) La totale quoi ! Mais c'est bien dans l'esprit du moment.
Bientôt 15 ans (et toutes ses dents) ROCK HARDI
c'est le plus ancien rockzine existant ; ROCK HARDI au cours de sa
longue carrière a su s'adapter, se diversifier tout en
déclinant habilement et conjointement rock et bande
dessinée avant de créer voici 2 ans un nouveau
titre : "le Martien".
La rédaction se remémore en ces termes sa
création : "1982. Que peuvent faire deux jeunes
garçons adorant les Ramones, et ne sachant ni chanter, ni
jouer de la guitare? Simple, ils créent une BD mettant en
scène leurs héros favoris et comme tous les
rédac'chef, les yeux emplis de merde, refusent de publier
leur oeuvre, les deux garçons ne s'arrêtant pas en
si bon chemin, décident de s'autoéditer et
lancent, ce qui va devenir LE journal de cette fin de siècle.
Fabrice Ribaire et Lionel de Terrasse (c'est bien d'eux qu'il s'agit)
en bons auvergnats qu'ils sont, rendent hommage à un de
leurs anciens, Marijac, créateur de COQ HARDI, et
décident de baptiser leur opuscule du doux nom de ROCK
HARDI. L'aventure peut commencer, et le n° 1 ne tarda pas
à voir le jour..."
Le ROCK HARDI d'aujourd'hui
comme il le déclarait déjà
à l'occasion de son 15e anniversaire reste toujours
marqué par l'envie de "faire partager nos passions pour le
rock et la bédé à travers
différentes mouvances sonores et graphiques,
privilégier les créateurs indépendants
et tout ceux qui préfèrent l'imagination, la
passion, la sincérité, au conformisme,
à la gloire, à l'opportunisme et au pouvoir."
Qu'on se le dise !
Imprégné d'un graphisme punk à la
Bazooka qui habite sa couverture et sa mise en page, très
inspiré par METAL HURLANT, BRUIT
D'ODEUR parle indifféremment de dub,
interviewe et chronique OTH, Cure, Les Cadavres, La Souris
Déglinguée, Bauhaus, autant qu'il fait la part
belle aux comics underground, à la revue espagnole "El
Vibora" et aux dessinateurs stridents et acides que sont Savage Pencil,
Caro, Placid, Teulé.
"On préfère lire, faire des fanzines. C'est
amateur, sincère, ça part dans tous les sens,
mais tous ceux qui s'y expriment, expriment leur
individualité, leur imagination et surtout prouvent qu'ils
ne sont pas des machines dociles et obéissantes."
"La new-wave remet les synthés au goût du jour et
les mensuels historiques, à quelques dinosaures
près, ont tendance à oublier les groupes
à guitares. Les exclus trouvent refuge dans les pages de
"Nineteen", Toulouse devient leur paradisiaque royaume. Toute la vague
garage qui échappe peu ou
prou au reste de l'Hexagone trouvera un écho dans ce
bimestriel mêlant érudition forcenée et
traque
de nouveaux talents.
"Nineteen" est aussi une expérience habile de passage en
kiosque, à peine le
temps de récolter des abonnés, et hop, retour au
circuit parallèle. De fait, le journal s'arrêtera
pour
des problèmes humains plutôt que financiers, ce
qui, on en conviendra, méritait d'être
signalé ici." [E. D.]
Il y aurait tant à dire sur NINETEEN
(un mémoire universitaire lui est d'ailleurs
consacré *). Tout en jouant sur un registre musical assez
serré : le garage et psychédélic 60's,
le rock australien, NINETEEN
a été pendant 6 ans le fer de lance d'une
certaine petite presse rock en France.
Brillant, intelligent, combatif, documenté,
généreux, NINETEEN n'a pas cessé de
manifester esprit de fan, éthique musicale,
indépendance et liberté de ton et ceci au prix de
difficultés économiques quasi
endémiques (hic).
Benoît Binet, Antoine Madrigal et Monique Sabatier, artisans
de cette aventure journalistique riche d'histoire et d'enseignement se
reconvertiront rapidement en disquaires pour les garçons
(boutique ARMADILLO à Toulouse) et imprimeuse pour la dame.
* Eric Bureau : "Nineteen 82-88 - Vie et mort d'un magazine rock
Toulousain" IUT de journalisme Bordeaux 1994