Après le punk vulgairement provocateur et
ostensiblement négativiste, il sera de bon ton en ce
début des années 80 de jouer la carte de la
"modernité". Dans modernité, il y a mode.
L'époque pour certains, sera donc au mondain, au
raffinement, à la préciosité, au
glamour; d'être propre, gentil,
légèrement distant et jouer sur le
paraître. En un mot être "branché". New
wave aseptisée, cold wave inspirée, musiques
électroniques froides, dansantes et hiératiques
peupleront les colonnes de quelques revues, magazines et fanzines qui
mêleront musique et mode dans une volonté
esthétisante. GLORIA et MODERNE
sont les premiers.
MODERNE (trimestriel n° 4 - 81)
s'ouvre sur une déclaration péremptoire : "Nous
continuerons à nous intéresser à tous
ceux qui en France comme à l'étranger essayent de
se dégager des schémas habituels du rock... Sont
démodés les clichés et l'imagerie
d'Epinal qui ont fait du rock le rendez-vous des paumés et
des losers".
Au sommaire de ses différents numéros se
succéderont donc : Daf, New Order, Virgin Prunes, Kas
Product, Indochine, et une pléthore de jeunes groupes,
musiciens et artistes, tous au demeurant fort charmants et
photogéniques, mais souffrant d'une
légère affectation.
Parmi les artisans de cette revue'zine bon nombre ont réussi
à se faire un nom depuis : Christophe Bourseiller, Michka
Assayas, Anaïs Prosaïc, Brice Couturier, Nicolas
Sirkis etc..
Avec pour sous-titre "la revue des musiques-images", la même
équipe se lancera en kiosque en 84, revue superbe,
cérébrale et graphique, "beau design qui balaie
l'esthétisme glacé du début de la
décennie. Ce MODERNE-là annoncera (avant l'heure)
les prémices informatiques de la cyberculture". (E.D.)
Dans GLORIA, magazine du
paraître rock, il est autant question d'enveloppe, de look
que de musique.
Ce luxueux tabloïd gratuit en noir et blanc qui respire
dandysme et intellectualisme mesuré affectionne tout
particulièrement l'Image : stylistes et jeunes musiciens en
clichés ; tout cela est très plastique !
Rita Mitsouko pose pour Elisabeth de Senneville, Klaus Nomi pour
Kansaï, Lucrate Miik pour Rafik ; on découvre un
Paco Rabanne en mécène rock, Berlin, Yokio
Mishima. Tout le monde est beau et content !
En 85 GLORIA donnera
naissance à L'EQUERRE,
trimestriel en kiosque et en couleur dans la continuité du
précédent. " L'Equerre" et ses trois
arêtes pour un parfait triangle des passions : mode, musiques
et cinéma. Cold, No et New Wave trouvaient là
leur plus intelligent défenseur. De l'underground aux
kiosques, le numéro 7, encore lui, sera celui de la pierre
tombale. " (E. D.)