Pour ceux qui l'auraient oublié ou tout bonnement
l'ignorent, et s'étonnent de trouver dans ABUS
DANGEREUX des sommaires très larges,
rappelons que dès le départ ABUS
DANGEREUX s'est
positionné comme un "fanzine de rock indépendant
généraliste". Rock garage et rock australien,
alternatif français, cold wave et pop cohabitent
déjà dès les premiers
numéros : Parabellum, Fixed Up, Dazibao, Dead Can Dance.
Outre l'éclectisme musical, un pli est pris dès
le départ, c'est celui de parler aussi bien de la
scène hexagonale en pleine effervescence que d'insignes
étrangers. (New Christs, Hudu Gurus, face N).
Au lieu d'utiliser la numérotation décimale
conventionnelle des périodiques, nos 5 joyeux (-ses) drilles
baptisent leur premier numéro face A en amoureux du vinyl
qu'ils sont (numérotation encore en vigueur maintenant sinon
que la face 27 a succédé à la face Z).
L'année du bicentenaire germe l'idée d'inclure un
45 t inédit au numéro (TQADR, NINETEEN
l'avaient déjà fait avant eux).
La face M inaugure un changement de format (le A5 devient A4), de mise
en page (plus claire) et d' impression (offset). On avance !!
Nouveau virage : face W, nouveau saut qualitatif : la couverture est
désormais en papier glacé. Exit le 45t, qui est
remplacé par un mini CD.
Anticipant sur les critiques et réflexions de leurs
détracteurs ("Abus Dangereux creuse la tombe du disque vinyl et s'associe
à la monstrueuse arnaque commerciale du CD"), ABUS
DANGEREUX vante les qualités du
CD, son côté pratique ; il est temps de s'adapter aux contraintes du marché.
Un cap est franchi.
Juin 1992. ABUS
DANGEREUX a déjà
intégré les nouveaux courants musicaux hardcore,
grunge, etc.. (Cop Shot Cop est chroniqué en octobre 92,
Silverfish interviewé en décembre de la
même année). Vicious Circle est créé pour organiser la VPC ;
il deviendra vite un label de production.
1993 : "une bonne année contre tous les sectarismes
musicaux". Et un premier maxi CD des Straw Dogs. (face 31).
Grosse question de l'année 94 (face 37) " l'alternative
d'une scène indépendante forte est-elle une
utopie ? Il y a des moyens ici, dans ce pays, pour exister sans le
"soutien" des majors et structures officielles".
Avril 97: 10 ans d'ABUS
Coup de chapeau bien mérité pour 10 ans
activités forcenées, et sa contribution
à la cause du rock qui est considérable. La
reconnaissance du milieu leur est définitivement acquise.
Mais il reste beaucoup à faire.
ABUS
DANGEREUX démultiplie encore ses activités
(boutique de disques en septembre 97).
Mais où s'arrêteront-ils?
Abus raconte l'histoire de ses 10 ans dans la face 51.
OCTOPUS
a ceci de commun avec ABUS DANGEREUX,
c'est qu'ils partagent tous les deux une vision farouchement
indépendante des musiques qu'ils défendent ; leur
vision est élevée, franche et résolue.
Car c'est bien de défense et d'illustration dont il est
question ici.
Ce qui les rapproche : l'apparence professionnelle des deux titres
(fond et forme), leur non-distribution en kiosque.
OCTOPUS met plus l'accent sur une mise en page raffinée ; sa
périodicité élastique le rend moins
sensible à l'actualité qu' ABUS
DANGEREUX qui lui
est bimestriel.
De HYACINTH, musical, graphique, d'aspect plus underground, et
après un changement d'équipe, OCTOPUS a
conservé l'esprit, la vigueur, la verve et l'enthousiasme
éclairé et "militant".
Ce projet est ambitieux, exigeant et personnel : "c'est
peut-être le refus de se forger une identité ferme
et définitive qui finit justement par devenir notre ...
identité première. (OCTOPUS n° 5 -
automne 96)
Dans l'édito du numéro 1 : "après 3
années de travail fructueux au sein du fanzine HYACINTH,
une partie de ses rédacteurs d'origine s'investissent donc
dans ce nouveau projet, OCTOPUS. Guidée par la passion de la
musique, et intéressée plus
particulièrement par l'actualité
indépendante internationale, l'équipe d'Octopus
désire contribuer activement au développement de
scènes musicales peu médiatisées en
France. Couvrir une grande variété de genres,
à travers une multitude d'approches, tel est notre premier
objectif.
Cette détermination ne saurait pourtant s'affranchir d'une
ligne de conduite qui, en cette période de
récupération économique et
médiatique, parait primordiale : l'indépendance.
L'indépendance, synonyme d'intégrité
(et non d'intégrisme), est le cordon ombilical liant chaque
contributeur à cette publication.
L'indépendance encore, comme catalyseur de la
créativité, nous offre la liberté que
n'autorisent pas les institutions du "milieu". Octopus veut inscrire
son action dans la durée et espère transmettre
son virus au plus grand nombre. La curiosité et les
initiatives personnelles font partie de ces ressources vitales qui en
garantissent l'impact. Conscient de
mutations structurelles et musicales permanentes, ce fanzine
évoluera au gré de ses découvertes et
des suggestions que pourront lui faire toutes les personnes
intéressées par les mêmes causes."
Au fil de ses numéros OCTOPUS
s'aventure et explore à chaque fois des territoires nouveaux
très éloignés du rock ; son regard est
acéré. Son approche se situe bien
au-delà des ordinaires clivages musicaux. Pourrait-on parler
d'une "avant- garde" de la critique musicale. Ici on
défriche...
En tout cas, OCTOPUS rejoint
les centres d'intérêt et les
préoccupations de REVUE ET CORRIGEE
et du fanzine ONIRIC
: nouvelles musiques, musiques innovatrices.
Sinon on sent le plaisir d'emmener le lecteur à la
découverte d'artistes, de sphères aux
individualités marquées, de le
désarçonner aussi par ses choix très
divers. Appétit et curiosité sont grands. "Il faudra bien réhabiliter l'improvisation comme une
nouvelle frontière".
Défrichage et recherche ; improjazz, fluxus, ambient, world
; les étiquettes paraissent bien
démodées au regard des artistes
présentés : Philip Glass, Arto Lindsay, Foetus,
Jan Garbarek, Gavin Bryars.
Cry Babies, Roadrunners, Greedy Guts, Gorgons, Lyres... LARSEN
se place sous les auspices de TQADR.
Son petit format (CD) carré qui tient dans la main est tout
entier imprégné de rock'n'roll sauvage,
instinctif passé présent et futur.
130 pages d'anthologie rock'n'rollesque à chaque livraison :
c'est l'exploit de Denis Oliveres
animateur du label du même nom (Slow Slushy Boys, Flan
System, Juanitos, Jekylls Boys)
discographies, biographies, dossiers, la veine du garage-punk, du fuzz
est inépuisable. Paradis des joyeux garagistes et
allumés, la Savoie (d'où est originaire LARSEN)
c'est l'autre pays du garage.
Ce fanzine fort sympathique, qui tire plus à 500
qu'à 1000 exemplaires est l'exemple même du petit
fanzine récent et très bien fait. Une conception
artisanale qui lui réussit bien.
KEROSENE
prétend "ratisser large" ; une stratégie pour
(dit-il) "proposer des groupes assez connus et par là
attirer l'attention sur les petits". Louable intention.
Honnête, documenté, légitime,
KEROSENE a une vraie démarche de
fans et une passion réelle pour les groupes interviewés :
Burning Blind, Seven Heads, Girls against Pack, Six Bastard.
KEROSENE
affiche tout de même un léger penchant pour le
hardcore mélodique hexagonal.
On attend la suite.
Les autres : DIG IT !, WORST, VACARMES
Existent toujours : PREMONITION, EARQUAKE, ON A FAIM !
Le fanzinat, vivier créatif génère
toujours des magazines. Voici deux exemples de fanzines notoires
propulsés en kiosque, après (coïncidence
des dates) 10 numéros et 4 ans passés au coeur de
la presse de 91 à 94.
Le passage en kiosque n'est que le prolongement logique d'un activisme
forcené qui avait atteint ses limites dans le fanzine. Ils
sont le reflet de deux tendances bien distinctes dans le rock.
Esthétique et musiques "inrockuptibles" continuent
à faire des émules. Ce champignon magique
reflète bien l'esprit et les préoccupations d'
une génération de jeunes gens baignés
de pop anglaise, noise américaine, et d'un
soupçon d'électronique européenne.
D'emblée MAGIC MUSHROOM
opte pour l'offset et l'épaisseur (70 pages) ; la mise en
page stylée, la couverture en quadrichromie viendra ensuite
très vite.
Écriture rigoureuse et parfaitement
maîtrisée, et érudition remarquable
pointent à chaque page ; ces gens-là savent
vraiment de quoi ils parlent.
Leurs "suppléments détachables" (qui persisteront dans
la formule magazine) sont des petites merveilles de documentation et de
recherche, minutieux et passionnés : travaux
archéologiques aux sources de la pop anglaise
(création), histoire des labels factory, 4AD, des groupes
Felt et The Fall. Les Français ne sont pas
oubliés : Rosebud et Lithium auront les honneurs de leurs
colonnes.
En 1994 MAGIC MUSHROOM déclare : "l'alternative à
la corporation établie ne s'est jamais aussi bien
portée".
MAGIC MUSHROOM devenu Magic ! saura trouver sa place en kiosque.
JADE
bédé rock? JADE rock bédé ?
JADE plus bédé que rock. Ils ne sont pas si
nombreux à croire depuis METAL HURLANT
que bande dessinée et rock, c'est suffisamment proche pour
se partager la une d'un magazine.
Et encore, depuis METAL, les choses ont beaucoup changé ; ce
sont des jeunes auteurs inconnus au bataillon qu'on hésite
pas à faire voir.
Ce qui est sûr, c'est que JADE s'amuse bien à
faire JADE - c'est frais, fait avec beaucoup d'humour et de
dérision.
Ses choix musicaux ne sont pas fixés ; JADE interviewe et
chronique tout ce qui lui plaît, au petit bonheur la chance, au gré des
goûts de ses rédacteurs. Ca donne Litfiba, Cramps,
Gallon Drunk, Toy Dolls , Pascal Comelade, Screamin'Jay Hawkins.
En kiosque depuis 2 ans pile, JADE manifeste plus (et ça
paraît paradoxal) de velléités
underground.